Qui doit assumer la responsabilité d’un convoi promotionnel, devenu tout d’un coup onéreux pour notre tourisme? «Ce voyage est devenu contre productif. Un ambassadeur a même rebroussé chemin. Le convoi est resté bloqué pendant plus d’une heure et les journalistes étrangers parleront certes de la beauté du désert tunisien mais déconseilleront la destination dans quelques temps», résume avec pondération une invitée participant à ce voyage organisé par le ministère du Tourisme et du Commerce durant le weekend dernier dans le sud tunisien.
Un avis que partage Suzanne Mitterbauer, journaliste de la revue «Traveller» qui pense que «la Tunisie a maintenant une chance unique de tout changer, particulièrement son tourisme. Je pense que quelques mois après les élections, le tourisme et les visites vont redémarrer».
Ada Grilli Bonini, journaliste indépendante pense aussi que la relance pour le moment est très difficile pour le marché italien. «Les touristes italiens ont des échos négatifs des réfugiés tunisiens à Lampedusa. Ils déclarent fuir à cause de problèmes de sécurité et ceci impacte l’opinion publique italienne. Je pense que la reprise ne pourra pas se faire très rapidement…». Les 37 ambassadeurs de pays comme la Palestine, l’Iraq, l’Algérie, le Japon, les USA, la France, l’Allemagne, l’Espagne, la Mauritanie, la Jordanie, la Russie, la Chine, le Liban ou le Pakistan ont, pour leur part, découvert le Sud et ont été impressionnés par sa beauté. C’est surtout la gentillesse des habitants qui les a touchés. Sensibles à la dépendance de cette région au tourisme, ils ont déclaré leur volonté de s’impliquer pour que leurs compatriotes découvrent la région au mieux et au plus vite.
Organisée par le ministère du Tourisme et du Commerce, certains estiment que l’idée même de ce voyage était hasardeuse. A quelques centaines de kilomètres à l’Est et au Sud, des combats sans merci sont livrés entre Kadhafi et les révolutionnaires. Les possibilités que cela déborde sur la Tunisie, même si elles sont improbables, restent envisageables.
La sécurité est précaire, qui ne le sait pas? Est-ce le moment de se déplacer en grande pompe? Est-ce de la méconnaissance de la Tunisie profonde ou juste une mauvaise appréciation de la réalité du terrain? Peut-on considérer les manifestations comme étant des imprévus dans notre pays alors qu’elles sont notre quotidien? Un peuple n’est pas soumis à une équation mathématique et reste imprévisible. Sans être nécessairement visionnaire, on peut tout de même parer à l’inattendu.
Si tout le monde reconnaît le droit aux manifestants à protester, c’est la gestion de l’opération qui laisse pantois. Comment ne pas prévoir un plan B? Comment ne pas s’entourer de professionnels dont le métier est précisément de gérer les imprévus? Pourquoi avoir évité la foule pacifiste? Pourquoi avoir tenté de cacher une réalité?
Un professionnel du MICE déplore l’incident qui aurait pu être géré autrement: «Nous prévoyons des solutions pour des tempêtes de sable. Nous avons l’habitude de gérer ce genre d’opérations. Nous envoyons en éclaireurs nos équipes et prévoyons plusieurs options. Ce qui s’est passé, c’est tout simplement de l’amateurisme». Un cadre du tourisme tunisien rajoutera que bien que louable, cette initiative était «risquée et inutile».
Les professionnels de la communication estiment que «la promotion avec ce genre de programmes artificiels c’est fini! N’est-il pas temps de penser et agir autrement? Ces eductours avec des pseudo-festivals surfaits n’ont plus d’impact. Personne n’est dupe! Ce qu’il faut, c’est créer des évènements et remplir de contenus authentiques ce vide sidéral».
Les grincheux ont encore du mal à comprendre comment on emmène des musiciens et une danseuse dans l’avion de la délégation. Cette opération aurait pu fournir du travail aux gens de la région, ne serait-ce que pour un soir.
Les plus sensibles sont retournés par le drame que vivent les artisans et autres employés du secteur. «La boulangère du campement où nous avons diné n’a pas dormi de la nuit. Elle était très contente de pouvoir travailler enfin. Les habitants de la région vendent leurs bétails et leurs bijoux pour pouvoir survivre… Ceux qui n’en possèdent pas, ne vivent plus!», dit ABF, non sans tristesse. .