«Mes amis, c’est un appel du fond du cœur que je vous lance. J’en appelle à votre générosité et votre sens de la responsabilité. Des centaines d’emplois sont aujourd’hui menacés dans le secteur du tourisme à Tozeur. Des familles, sont en péril. Si chacun de vous ramène les siens, le temps d’un week-end dans notre région et passe ne serait-ce que deux nuits dans un hôtel et s’offre une «ojja» dans un restaurant de la ville, ces gens pourront continuer à vivre dignement .Croyez-moi, ce ne sont pas les caravanes d’aides qui résoudront le problème des gens du Sud, elles sont par trop humiliantes pour ces populations fières… Alors n’attendons pas notre salut de l’extérieur, faisons-le ici, ensemble, sauvons-nous les uns les autres. Faisons de ce mois, le mois du tourisme intérieur et solidaire».
Cette prière émane de Nebil Chokrami, promoteur de l’Eden Palm, un musée privé développé autour de la vie oasienne à Tozeur et dont une partie de l’activité est dédiée à l’évènementiel. La saison touristique doit cette année profiter aux Tunisiens, pour les autres, elle est bel et bien hypothéquée
Il faut dire que c’est la ville de Tozeur entière qui est sinistrée. Les artisans et commerçants organisent tant bien que mal des animations sur la place du marché. Mais pour qui? Les voyagistes, les loueurs de quad et de chameaux, les restaurants et les hébergements sous tente sont dans l’attente d’une reprise qu’ils savent de plus en plus difficile. Une reprise qui flatterait davantage le moral que les portemonnaies. Le plus gros du trafic touristique annuel dans la région se fait en hiver. De nombreux opérateurs ont même gelé leurs activités.
Presque dépendant dans sa totalité de la Libye, le Sud est comme suspendu. La guerre dans le pays voisin est assurément l’une des principales causes de la situation actuelle du tourisme tunisien. Mais cela va bien au-delà!
L’anéantissement de l’économie parallèle qui assurait la subsistance de milliers de familles dans le sud a un impact considérable. La contrebande, totalement effondrée, était une réalité économique sur laquelle on fermait les yeux. Vraie source de revenus, son effondrement a exacerbé les colères et a rajouté plus d’intensité aux problèmes de chômage, de corruption, de jeunesse marginalisée,…
Pour ne citer que Souk Lahad, qui a servi de scène à une manifestation où un convoi d’ambassadeurs étrangers conduits par le ministre du Tourisme -obligé de se détourner de son chemin à cause de manifestations impromptues-, n’est qu’une longue rue, où il n’y a presque rien que des gens qui regardent des voitures passer à longueur de journées et d’années.
En ces temps difficiles, a-t-on au moins pris le temps et la peine d’expliquer aux habitants de la région les raisons de la démarche concernant cette action promotionnelle pour leur gouvernorat? A-t-on au moins mesuré l’impact de la présence de trois ministres dans une localité à un moment où les revendications et la pression sociale sont pressantes? Rien de tout cela, le problème est largement dans la communication. Apprenons à communiquer et de nombreux tracas seront épargnés!
Aujourd’hui, l’exercice qui attend le ministre du Tourisme et du Commerce ainsi que son équipe devient de plus en plus difficile. La question est de savoir s’il faut continuer à la poser dans les mêmes termes. Relancer la machine reste-t-il encore d’actualité au vu de la situation politique régionale et sécuritaire dans notre pays?
Mehdi Houas s’était engagé à relancer la machine en 4 semaines. Le temps a joué contre lui. Il est certain que le tourisme tunisien ne l’a pas attendu pour aller si mal. Le tourisme était sinistré bien avant la révolution. Mais peut-être doit-il juste se souvenir qu’il y a ce qu’on appelle les conditions auto réalisatrices. Dès lors qu’on annonce une catastrophe, elle tend à se réaliser. Qui va aller dans un pays où on annonce une saison «catastrophique»? Est-ce de la naïveté, de l’amateurisme ou de l’irresponsabilité? Pour l’instant, ceci nous coûte très cher. Après la succession de ces initiatives malheureuses, qui va rendre compte à qui?
Reste que la relance du tourisme tunisien est la responsabilité de tous les acteurs, privés et publics. Ceux-ci communiquaient difficilement avant la révolution, continuent aujourd’hui à faire du chacun pour soi et le tourisme pour tous! Sauf que le tourisme, justement, il y en a de moins en moins!
Parler de relance? Les plus incisifs rient jaune et tranchent : «N’y pensez pas ou plus. C’est cuit! Au mieux, travaillons sur une campagne sur le net à lancer dès que la situation sécuritaire sera totalement rétablie Sans sécurité pas de tourisme».
Les plus stratèges pensent qu’il est urgent de penser à un programme de refonte du tourisme construit autour d’un plan social pour envoyer les chômeurs en formation professionnelle, et d’un plan de développement du tourisme à valeur ajoutée. Alors que certains en appellent à arrêter ce «dilettantisme ministériel», d’autres gardent un œil attentif sur ces 60 millions de dinars qu’il faut judicieusement dépenser. Opter pour la mise à niveau et la promotion du tourisme intérieure et celui du voisinage, notamment algérien, resterait selon de nombreux professionnels la meilleure des choses à faire pour sauver l’été 2011.
Lors d’un point de presse à Tozeur, Mehdi Houas a continué à afficher son optimisme désormais légendaire. Les pertes représentent «une baisse de 40% de touristes sur le premier trimestre mais ce ne sont que les “earlybooking“. Nous allons maintenant investir le budget alloué à la promotion de la Tunisie pour sauver le reste de la saison».
Le ministre a cependant été très frileux quant aux détails sur les marchés cibles et les actions. Restons optimistes! Du moins essayons! Accrochons-nous aux déclarations positives de l’ambassadeur de France en Tunisie. Il promet de «conseiller la levée totale des restrictions sur la Tunisie». .