En Espagne, des micro-algues gourmandes de CO2 pour produire du biopétrole

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Alicante en Espagne, le 17 mars 2011 (Photo : Jose Jordan)

[30/03/2011 10:19:08] ALICANTE (Espagne) (AFP) Dans une forêt de tubes de huit mètres de haut, près d’Alicante en Espagne, macère peut-être le carburant de demain: du biopétrole produit avec des micro-algues qui s’alimentent du gaz carbonique rejeté par une usine voisine.

Près de 400 tubes vert foncé, où grouillent des millions de micro-algues, se dressent sur une plaine de cette région du sud-est de l’Espagne, à côté d’une cimenterie, dont le CO2 est capturé et transporté via un pipeline jusqu’à la petite usine de pétrole “bleu”.

Le concept, encore expérimental, est développé depuis cinq ans par des chercheurs espagnols et français de la petite société Bio Fuel Systems (BFS).

A l’heure où les industriels redoublent d’imagination pour trouver des alternatives au pétrole, l’idée est de reproduire et d’accélérer un processus qui s’est étalé sur des millions d’années et a permis la production du pétrole fossile.

“Nous essayons de simuler les conditions qui existaient il y a des millions d’années, quand le phytoplancton s’est transformé en pétrole. De cette façon, nous obtenons un pétrole équivalent au pétrole actuel”, explique l’ingénieur Eloy Chapuli.

Les micro-algues, issues d’une dizaine de souches tenues secrètes, ont été pêchées en Méditerranée et dans l’océan Atlantique.

Dans les tubes, elles se reproduisent à grande vitesse, se dédoublant quotidiennement par photosynthèse et grâce au CO2 émis par la cimenterie.

Tous les jours, une partie de ce liquide très concentré est extrait et filtré, permettant l’obtention d’une biomasse, qui produira le biopétrole.

L’eau restante est réintroduite dans les tubes.

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Alicante en Espagne (Photo : Jose Jordan)

Pour ses concepteurs, l’autre grand avantage du système est qu’il est dépollueur: il absorbe du CO2 qui serait autrement déversé en excédent dans l’atmosphère.

“C’est un pétrole écologique”, assure le président et fondateur de BFS, l’ingénieur français Bernard Stroïazzo-Mougin, qui a travaillé dans des champs pétroliers au Moyen-Orient avant de s’installer en Espagne.

L’usine d’Alicante fait encore figure de laboratoire. “Il nous faudra entre cinq et dix ans de plus pour passer à une production industrielle”, assure M. Stroïazzo-Mougin, qui espère pouvoir développer à court terme un premier projet à grande échelle, dans le sud de l’Espagne, puis un autre sur l’île portugaise de Madère.

“Une unité qui ferait 50 km sur 50 km, ce qui n’est pas quelque chose d’énorme, dans des zones désertiques du sud de l’Espagne, on pourrait produire environ 1 million 250.000 barils par jour”, soit presque autant que les exportations quotidiennes de pétrole irakien, souligne l’ingénieur.

BFS, une société à capitaux privés, cherche aujourd’hui à négocier avec “plusieurs pays pour qu’ils subventionnent l’installation de champs pétroliers artificiels”, explique son président.

La société assure qu’elle pourra vendre ses barils à un prix compétitif, en s’appuyant sur la vente de produits dérivés, comme des acides gras de type Omega 3 obtenus à partir de la biomasse.

D’autres projets similaires sont à l’étude dans d’autres régions du monde.

En Allemagne, le groupe d’énergie public suédois Vattenfall a lancé en 2010 un projet d’absorption par des algues du dioxyde de carbone émis par les centrales au charbon. Le géant américain du pétrole ExxonMobil a prévu un investissement allant jusqu’à 600 millions de dollars dans les recherches sur le pétrole produit avec des algues.

Les industriels, en particulier dans le secteur aéronautique, s’intéressent de près à ces recherches, espérant y trouver des solutions de remplacement au pétrole classique, aux prix fluctuants et qui se raréfie.