La diplomatie tunisienne monte au créneau. Mais de quoi souffre-t-elle depuis 23
ans ? Elle était gérée directement par le Palais de Carthage. La moindre
nomination, le plus petit communiqué devaient être supervisés par les services
de l’ex-présidence de la République.
Opération de charme, le week-end des 26 et 27 mars 2011, pour 37 ambassadeurs
accrédités en Tunisie en vue de doper l’activité touristique et vive
condamnation du ministère des Affaires étrangères, le 28 mars 2011, des
déclarations israéliennes concernant les juifs tunisiens: la diplomatie
tunisienne monte au créneau en faisant de nouveau parler d’elle.
La diplomatie tunisienne -on le sait- est appelée à vivre une recomposition
significative après le 14 janvier 2011. A l’instar du reste de nombre
d’institutions publiques du pays. Moment fort notamment de cette mutation, la
journée d’étude, organisée, le 14 mars 2011, avec pour thème: “Quel diplomatie
pour la nouvelle Tunisie?”
Une journée de débat faisant suite à la colère des diplomates tunisiens qui a
éclaté au grand jour le lendemain du 14 janvier 2011 pour exprimer le malaise
dans lequel a vécu la diplomatie tunisienne depuis le 7 novembre 1987, voire
depuis l’indépendance.
Mais de quoi souffre la diplomatie tunisienne aujourd’hui? D’abord d’une
inadaptation aux mutations qui se sont dessinées depuis au moins une décennie.
“L’organigramme du ministère date du tout début des années quatre-vingt-dix,
depuis beaucoup d’eau a coulé sous les ponts”, fait remarquer un diplomate qui
évoque la nécessite de renforcer les structures chargées de la communication et
des affaires économiques, les deux terrains “au niveau desquels un réel effort
de modernisation doit être” à son sens. “Et ce, évidement sans oublier la
nécessité que les textes tracent des horizons nouveaux et de nouvelles
perspectives de carrière pour les employés du ministère”.
Mais pourquoi cela n’a pas été fait? La réponse est unanime de la part de tous
ceux qui connaissent les arcanes de la diplomatie tunisienne. Comme dans de
nombreux autres secteurs de la vie nationale, la diplomatie tunisienne était
gérée directement par le Palais de Carthage. La moindre nomination, le plus
petit communiqué devaient être supervisés par les services de l’ex-présidence de
la République.
Le rappel était brutal!
Cette donne a fait souvent que les nominations ne répondaient pas à la logique
qui veut que le personnel du ministère soit le vivier principal des
ambassadeurs, consuls généraux, consuls et même autres premiers secrétaires et
secrétaires d’ambassade.
Bien au contraire, les anciens ministres, gouverneurs et secrétaires généraux de
comités de coordination de l’ex-RCD ou encore des membres de partis politiques
alliés au pouvoir voire des cadres du ministère de l’Intérieur étaient devenus
la pépinière du personnel diplomatique; du moins pour certaines missions
diplomatiques.
C’était même, pour reprendre une formule bien française, “la diplomatie des
copains et des coquins”. C’était selon: récompense pour certains, disgrâce pour
d’autres ou encore missions à accomplir pour d’autres encore.
Ainsi, des diplomates ont été nommés dans des capitales en guise de
“remerciement” pour avoir fait du mal à des militants des droits de l’Homme ou
pour suivre de près les affaires de la famille Ben Ali-Trabelsi. Et gare à ceux
qui, parmi les diplomates, qui refusent ou oublient de rendre service au
beau-frère
Belhassan Trabelsi, au gendre Sakhr El Materi ou encore à une des
belles-sœurs: le rappel était brutal!
La majorité de ces diplomates d’un second type ont été du reste rappelés depuis
l’avènement de la Révolution du 14 janvier 2011. Leur profil ne répondant pas à
une réelle volonté de renouveau.
Nous reviendrons, dans un prochain article, sur d’autres facettes de la
diplomatie tunisienne sous le règne des Ben Ali-Trabelsi dont notamment un
déficit de communication. La diplomatie était «motus et bouche cousue».