Les affaires de délit d’initiés se multiplient aux Etats-Unis

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és le 24 mars 2011 à New York (Photo : Shirley Shepard)

[03/04/2011 16:23:13] NEW YORK (AFP) Les grosses affaires de délit d’initiés se multiplient aux Etats-Unis, les autorités usant de moyens de plus en plus sophistiqués pour les démasquer, même si la loi reste floue pour définir la limite entre l’illégal et l’immoral.

Pendant que se tient à New York le très médiatique procès du fondateur du fonds spéculatif Galleon, Raj Rajaratnam, accusé d’avoir entretenu un réseau d’informateurs rémunérés, dont un administrateur de Goldman Sachs, c’est maintenant le plus respecté des investisseurs américains, Warren Buffett, qui se retrouve au coeur d’une affaire d’achat d’actions controversé.

M. Buffett a révélé mercredi qu’un de ses proches collaborateurs, David Sokol, avait acheté des actions du chimiste Lubrizol avant de lui suggérer d’acquérir la firme.

Une transaction qui s’est faite à la mi-mars, pour 9,7 milliards de dollars, permettant à M. Sokol d’empocher quelque 3 millions de dollars de bénéfices.

Cette semaine, les autorités boursières ont également engagé des poursuites contre un chimiste de l’agence fédérale du médicament (FDA), l’accusant d’avoir gagné des millions de dollars de profits illicites en utilisant des informations confidentielles sur des médicaments en passe d’être homologués.

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és, le 23 mars 2011 (Photo : Mario Tama)

Une affaire qui touche le coeur de l’Etat fédéral. “Les personnels fédéraux ont accès à des informations sensibles qu’ils peuvent utiliser pour leur intérêt financier personnel. Tout repose sur leur honnêteté”, remarque Jacob Frenkel, un avocat spécialisé dans les affaires boursières.

Les autorités américaines ont par ailleurs arrêté depuis l’automne une dizaine de personnes au cours d’une vaste enquête centrée sur la firme californienne d’experts Primary Global Research, mais impliquant des ex-employés de fleurons de la high-tech comme le fabricant de semi-conducteurs AMD.

“Les investisseurs font tout leur possible pour avoir une longueur d’avance et obtenir des informations qui ne sont pas encore accessibles à tous”, estime Hugh Johnson, de Hugh Johnson Advisors.

“Certains sont prêts à passer la ligne rouge, d’autres non. La question est de savoir où est la limite, quelle est la différence entre un bon travail de recherche et un délit d’initié”, s’interroge-t-il.

La défense de M. Rajaratnam maintient ainsi que ce dernier n’a fait que son travail en cherchant à obtenir des informations dont certaines circulaient déjà dans la presse, et que ce sont ses interlocuteurs qui se sont mis en tort en lui répondant.

D’après Hugh Johnson, la loi est floue et, tout en restant dans la limite de la légalité, il y a beaucoup de marge de manoeuvre pour des comportements peu éthiques.

Jacob Frenkel fait remarquer qu’il est difficile de prouver les délits d’initiés et que les gens ne sont “presque jamais pris la main dans le sac”, comme l’a été l’ex-employée de Disney condamnée récemment pour avoir essayé avec son fiancé de vendre des résultats trimestriels du géant des médias. Elle avait été dénoncée par plusieurs investisseurs contactés.

La plupart des affaires judiciaires reposent sur un faisceau de circonstances, ou dérivent vers d’autres chefs d’accusation plus faciles à prouver, comme dans l’affaire Martha Stewart.

La papesse du design intérieur américain était accusée de délit d’initié mais s’est finalement retrouvée condamnée en 2004 pour avoir menti aux autorités.

Pour Jacob Frenkel, les enquêteurs sont aujourd’hui mieux équipés pour mener ces enquêtes: dans l’affaire Galleon, “il y a pour la première fois ces enregistrements qui facilitent le travail de l’accusation”.

Mais “M. Rajaratnam dispose de moyens énormes pour assurer sa défense et s’il n’est pas condamné”, cela compliquera encore le travail pour mettre ces délits au jour, conclut M. Frenkel.