à Paris (Photo : Bertrand Langlois) |
[04/04/2011 13:36:56] BRUXELLES (AFP) Le rachat du chimiste français Rhodia par le belge Solvay a un petit air de revanche pour la Belgique, qui a vu ces dernières années, non sans amertume, nombre de ses joyaux économiques passer sous le contrôle de son grand voisin.
“Cela suffit de voir les fleurons belges partir sous le giron étranger, de voir des pans entiers de notre économie être démantelés. Messieurs les Français, rentrez chez vous!”: l’avocat Mischael Modrikamen avait exprimé avec emphase en 2009 le ressentiment de beaucoup de ses compatriotes.
Il défendait à l’époque les petits actionnaires du bancassureur Fortis, démantelé durant la crise financière et dont l’un des meilleurs morceaux, Fortis Banque, première banque de Belgique, était du coup tombée dans l’escarcelle de BNP Paribas. Cette “vente de trop” avait cristallisé les frustrations contre l’OPA ressentie des Français sur l’économie du pays.
Dix ans plus tôt déjà, c’est l’intégration de la compagnie pétrolière belge Petrofina au groupe Total qui mettait les observateurs belges en émoi. Elle intervenait en effet juste après celle des assurances de la Royale Belge dans Axa et celle du groupe d’énergie Tractebel dans Suez.
Beaucoup avaient fait à l’époque un procès au milliardaire belge Albert Frère, grand actionnaire des entreprises concernées et accusé d’avoir trahi son pays en oeuvrant pour ces achats par des Français.
Fortis, Petrofina, Royale Belge, Tractebel… mais aussi GB, l’une des deux grandes chaînes historiques de supermarchés avec Delhaize, rachetée en 2000 par Carrefour qui procèdera ensuite à de lourdes restructurations; ou SPE, deuxième électricien du pays qui vient de passer sous le contrôle d’EDF alors que son grand concurrent Electrabel est déjà sous la coupe de GDF Suez: ces vingt dernières années, les occasions de se plaindre de l’arrogante fièvre d’acquisition des Français n’ont pas manqué en Belgique.
Quitte à oublier parfois un peu vite que la cession de Fortis Banque a fait de la Belgique le premier actionnaire de BNP Paribas, une situation sans précédent en France où aucune grande banque ne comptait jusqu’alors d’Etat étranger dans son capital.
Ou encore qu’Albert Frère est l’un des premiers actionnaires du CAC-40, l’indice vedette de la Bourse de Paris, avec des participations dans Total et GDF Suez, mais aussi Pernod-Ricard (spiritueux) ou Lafarge (construction).
Dans l’une de ses rares interviews, parue fin 2010 dans le quotidien belge L’Echo, le milliardaire se défendait d’ailleurs d’avoir “vendu les bijoux de famille nationaux” et estimait être un “bouc émissaire”.
“Au moment de l’OPA sur la Générale de Belgique (grande société industrielle belge, victime d’un raid boursier en 1988 et reprise finalement par Suez, NDLR), dites moi quels Belges ont mis de l’argent sur la table? Les Flamands qui avaient des titres se sont empressés de les vendre”, accusait-il.
Il est vrai aussi que peu d’entreprises belges ont les moyens financiers de jouer dans la cour des grands en termes d’acquisitions. Pour un groupe comme le brasseur Inbev, hissé par ses emplettes au premier rang mondial, nombreux sont ceux qui ont été avalés par plus gros qu’eux.
Non sans ironie, si Solvay peut aujourd’hui acheter Rhodia, c’est parce qu’il s’est constitué une cagnotte l’an dernier en vendant sa division pharmacie à un étranger, l’américain Abbott. Et à terme, c’est l’actuel PDG de Rhodia, Jean-Pierre Clamadieu, qui prendra la tête du groupe belge.