Le Premier ministre du gouvernement de transition a mis en place une stratégie. Et il a commencé à l’exécuter. On ne pourra pas lui reprocher de ne l’avoir pas annoncée. Décryptage.
Fallait-il s’étonner de la réaction énergique des forces de l’ordre, vendredi 1er avril 2011, lorsque des manifestants ont voulu entamer ce qui est communément appelé le sit-in de la Kasbah 3, encore objet des discussions de la rue tunisienne?
Force est de constater que cette réaction était plus que prévisible. Le Premier ministre du gouvernement de transition, Béji Caïd Essebsi, avait dans son interview du mercredi 30 mars 201, annoncé largement la couleur en soulignant haut et fort son intention de siffler la fin de la récréation.
Vieux routier de la politique, il a agi très habilement depuis son arrivée au Palais du gouvernement de La Kasbah, après avoir parfaitement compris tous les enjeux et préparé soigneusement sa stratégie d’attaque.
Homme d’Etat -on oublie souvent- ayant dirigé trois ministères de souveraineté: l’Intérieur, la Défense nationale et les Affaires étrangères- et l’Assemblée nationale, ayant vécu sur le terrain durant sa carrière des moments difficiles de l’histoire du pays dont le conflit entre Bourguiba et Ben Youssef ou encore les affres de la politique de collectivisation des terres, le Premier ministre du gouvernement de transition a voulu reconstituer les éléments du puzzle de l’après-14 janvier 2011. Avant de tracer les priorités. Cela lui a pris trois semaines.
Une stratégie exprimée souvent crument
Sa stratégie était du reste exprimée, souvent crument, dans son interview du mercredi 30 mars 2011. Il fallait la décrypter. Et tout porte à croire qu’il ne bougera pas d’un iota. Tant il croit qu’il n’a pas d’autre choix.
Mais comment M. Béji Caïd Essebsi a-t-il construit sa stratégie? D’abord, par une communication «agressive» qui consiste à aller au-devant de ses interlocuteurs en disant les vérités même si elles peuvent déplaire. Le ton, tout le monde l’a remarqué, est tout autre des premiers jours de son arrivée au Palais de La Kasbah, où il lui arrivait de caresser dans le sens du poil.
Il faudra s’attarder dans ce contexte qu’il n’a cessé de répéter dès le début qu’il n’est candidat à aucune fonction après le 24 juillet 2011. Ce qui lui fait bénéficier d’une position exceptionnelle qu’il partage avec tous les membres du gouvernement de transition: ils ne peuvent rouler pour eux-mêmes atténuant la plupart des critiques qui leur sont adressées.
Dans ses interventions face à l’opinion ou face à des interlocuteurs ciblés comme les journalistes, il prend, par ailleurs, à témoin tout le monde sur le fait que l’heure est à l’action et que rester dans un certain immobilisme ne peut servir personne.
Des arguments d’autant plus percutants que le pays n’offre pas, notamment en matière de sécurité et de la gestion de l’économie, un visage le moins qu’on puisse dire réconfortant. Deux indicateurs clés font froid dans le dos: le taux de croissance (entre 0 et 1%) et les prévisions en matière de création d’emplois (15.000 postes d’emplois au lieu de 80.000 prévues initialement) qui risquent d’aggraver le malaise social.
Nous reviendrons dans notre prochain article sur les deux autres éléments de la stratégie de M. Béji Caïd Essebsi: le retour de la sécurité et la relance de l’économie.