Dette publique : les promesses du PS intenables selon les économistes

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ère secrétaire du PS Martine Aubry (c) entourée de membres du parti à Paris le 5 avril 2011 (Photo : Franck Fife)

[06/04/2011 18:33:54] PARIS (AFP) La promesse du programme socialiste pour la présidentielle d’alléger dès 2014 le fardeau de la dette publique s’apparente à un voeu pieux en l’absence d’un respect rigoureux des engagements européens de la France, selon des économistes interrogés par l’AFP.

“Nous nous engageons à ce qu’en 2014, la courbe de l’endettement soit inversée”, a lancé mardi l’ancien ministre PS de l’Economie Michel Sapin. L’endettement, a-t-il fait valoir, est “le critère fondamental”, celui “que regardent les agences de notation”.

Il estime en revanche que la France pourrait se donner plus de temps pour réduire son déficit public. “Il faut faire attention à ne pas s’obnubiler” sur l’objectif du retour à 3% du produit intérieur brut (PIB) dès 2013, a-t-il plaidé.

Trois pour cent, c’est le plafond autorisé par les traités européens que la France s’est engagée à respecter à cette date. Michel Sapin s’avoue “incapable de dire” si elle rentrera dans l’épure en 2013 ou 2014.

Ses calculs reposent sur une hypothèse de croissance de 2,5% par an en moyenne sur cinq ans à compter de 2013, quasi similaire à celle du gouvernement actuel qui anticipe ce chiffre dès l’an prochain. Or ce scénario est jugé trop optimiste par les économistes, qui tablent plutôt sur 2%.

La première secrétaire du PS Martine Aubry est allée un peu plus loin que M. Sapin, en assurant qu’en cas de victoire l’an prochain, les socialistes se “battront” pour repousser à 2015 les engagements européens de la France sur la maîtrise du déficit.

Peu suspecte d’antipathies socialistes puisqu’elle se dit elle-même “très proche du PS”, l’écononomiste Karine Berger (Euler-Hermes) juge “l’idée avancée par Michel Sapin d’une dette dissociable du déficit, pas très réaliste”. C’est faire preuve, dit-elle, “d’un peu trop de +wishful thinking+ (voeu pieux)”.

En revanche, ajoute-t-elle, Martine Aubry “fait preuve de réalisme” quand elle plaide pour un retour différé aux 3%. “Il est raisonnable de viser plutôt 2015 ou 2016 et c’est à ce moment-là que l’on observera une inversion de la dynamique de la dette”, commente l’économiste.

Après avoir décortiqué le projet socialiste, sa conclusion est sans appel: “Dans le texte, l’équilibrage entre nouvelles mesures, nouvelles recettes et croissance économique n’est pas explicitement développé”.

Christian Saint-Etienne, professeur d’économie aux Arts et Métiers qui se dit “centriste et barriste”, a sorti sa calculette. La croissance à 2,5% à partir de 2013 ? “C’est en rêve, l’économie française ne fait que 1,5% depuis 10 ans”, observe-t-il.

Avec 1,5% de croissance, soutient-il, “il faudrait impérativement ramener le déficit à 2,5% du PIB pour stabiliser le poids de la dette”. A 2,5% de croissance, ce serait 3,5% de déficit.

Dans ces conditions, promettre d’alléger la dette en 2014 sans respecter les critères de déficit serait “faux sur le plan comptable”.

La politique du PS “ignore les ajustements budgétaires considérables effectués par les voisins de la France”, fait également valoir l’auteur de “L’Etat et votre argent”. Quant aux investisseurs internationaux, “ils n’accepteront pas que la France reste durablement au-dessus de 3%”.

Economiste à l?Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), Mathieu Plane juge pour sa part “difficile” de s’engager sur la dette compte tenu “d’aléas conjoncturels qui ne dépendent pas que de la politique économique de la France mais aussi de la croissance mondiale et surtout européenne”.

Pour l’heure, le gouvernement s’est engagé à ramener le déficit public de 7% du PIB en 2010 à 6% cette année, 4,6% l’an prochain et 3% en 2013.