On ne le sait que trop: un fossé sépare les grandes villes côtières de l’intérieur du pays en matière de niveau de développement économique et social. Mais ce «gap» se manifeste-t-il dans le champ politique? Le sondage récemment réalisé par Global Management Services (GMS) sur «Les Tunisiens et la politique après le 14 janvier» apporte de premiers éléments de réponse à cette question.
On a déjà vu (Les Tunisiens sont-ils politiquement au centre?) qu’en réponse à la question sur leur perception de la politique (comment ça vous touche?), 40% des Tunisiens affirment, à l’échelle nationale, qu’elle les intéresse «beaucoup», 48% «uniquement aux grandes occasions (élections, remaniement, etc.)», et 12% sont indifférents.
Toutefois, ces réponses varient d’une région à une autre. Ainsi, le segment de la population très intéressé par la politique est le plus important dans le Grand Tunis (41,90%), devant le Centre Est (40,90%), le Sud (39,40%), le Nord Est (39,10%), le Nord Ouest (38,50%) et le Centre Ouest (28,00%).
L’intérêt occasionnel est le plus fort dans le Nord-ouest (53,80%), le Grand Tunis (49,40%), le Sud (47,00%), le Centre-ouest (46,70%), le Centre-est (45,70%) et le Nord-est (45,30%).
Enfin, l’indifférence face au facteur politique est la plus forte dans le Centre-ouest (25,30%), loin devant le Nord-est (15,60%), le Sud (13,60%) et le Centre Est (13,40%) –avec pour ces quatre régions un taux supérieur à la moyenne nationale (12%)-, le Grand Tunis (8,70%) et le Nord-ouest (7,70%).
Les Tunisiens ont une perception différente, selon leur région d’appartenance, des questions préoccupantes et qu’il convient de «résoudre en premier lieu». Si «garantir la sécurité des hommes et des biens» arrivent en tête dans 70,10% des cas à l’échelle nationale, cette barre est franchie dans le Nord-est (79,70%) et le Grand Tunis (71,10%), alors que le Centre-est est légèrement en deçà (69,30%), suivi du Nord-ouest (66,70%) et du Centre-ouest (53,30%).
Ce Centre-ouest, qui est le moins sensible à la problématique sécuritaire, est la région qui attache la plus grande importance (60%, contre 50,50% à l’échelle nationale) à la résorption du chômage, légèrement devant le Nord-est (59,40%) et le Nord-ouest (59%). Le Centre-est et le Grand Tunis ferment la marche respectivement avec 48,80% et 46,40%.
Sur la mise en place de la démocratie, les écarts sont aussi –presque- tout aussi importants entre le Grand Tunis (44,30%), le Nord-ouest (41%) et le Centre-ouest (40%), d’un côté, et le Nord-est (37,50%), le Sud (34,10%) et le Centre-est (32,30%) de l’autre.
Idem pour le développement de l’équilibre entre les régions –Nord-ouest (41%), Sud (40,90%), Grand Tunis (35,80%) –au dessus de la moyenne nationale (35%)-, Centre-ouest (30,70%) et Nord-est (25,80%)-, la liberté de la presse -à laquelle les gens du Centre-ouest attachent la plus grande importance (32%, contre 16,50% sur le plan national), très loin devant le Centre-est (18,10%), le Sud (17,40%), le Grand Tunis (15,50%), le Nord-est (10,90%), et le Nord-ouest (10,30%), et le respect des droits de l’homme –où la fourchette va de 28,20% (Nord-ouest), à 39,40% (Sud, contre 34,30% à l’échelle nationale), en passant par 37,80% (Centre-est), 34,70% (Grand Tunis), 30,70% (Centre-ouest) et 28,20% (Nord-ouest).
Sur les autres thèmes «qu’il faut résoudre en premier lieu», les écarts sont plus resserrés entre les différentes régions. Ainsi l’indépendance de la justice arrive en tête des priorités dans 26,70% des cas (Centre-ouest), pour augmenter à 27,30% (Sud), 29,20% (Grand Tunis), 30,80% (Nord-ouest), 32,30% (Centre-est) et 33,60% (Nord-est) –contre 29,80% en moyenne à l’échelle du pays. Les différences sont encore plus minimes pour ce qui de la «poursuite de ceux qui ont profité de la dictature): de 23,60% à l’échelle nationale, la portion de Tunisiens accordant la priorité absolu à cette question se situe dans certaines régions au dessus de cette barre -24,20% (Nord-est), 26% (Centre-est), 26,70% (Centre-ouest), et ailleurs en dessous -23,10% (Nord-ouest) et 22,80% (Grand Tunis).
Au total, l’intérêt pour la politique en général et la démocratie en particulier, la sécurité, l’indépendance de la justice, est un peu plus élevé dans le Nord (le Grand Tunis en particulier) du pays. A l’inverse, il est au plus bas dans d’autres régions qui attachent plus d’importance à la lutte contre le chômage (Centre-ouest) et au développement régional (Nord-ouest).
Toutefois, on est loin du cas de figure de deux Tunisie qui se regarderaient en chiens de faïence parce qu’ayant des centres d’intérêt des soucis absolument divergents.