«Nakhdiou ala roumouz annidham assabik, hal kilma ma armazha» (Eliminer les symboles de l’ancien régime, vraiment que des sornettes!). C’est ainsi que Béji Caïd Essebsi, Premier ministre, a désigné, avec l’humour noir qui le distingue, les actes et pratiques infondés et inexpliqués dont il a été témoin depuis qu’il a été désigné à son poste. «Si nous allons suivre ce raisonnement, nous ferons passer 3 millions de Tunisiens pour des symboles de l’ancien régime alors que dans un jeu d’échec, la plupart des pièces sont les pions…».
C’était à l’occasion du Forum organisé vendredi 8 avril à l’IACE (Institut arabe des chefs d’entreprise) en présence des ministres des Finances, du Développement régional, de l’Industrie, de l’Emploi et des Affaires sociales.
Les revendications insensées qui fusent de toutes parts expriment en fait le désarroi dans lequel vit une grande partie de la population ces derniers mois. Des fois, elles sont légitimes, d’autres déplacées. A titre d’exemple, une manifestation à la Kasbah pour ramener les corps noyés en pleine mer de jeunes clandestins (harragas). D’autres Tunisiens, rentrant de Libye, veulent avoir des indemnités, indemnités programmées dans le cadre du programme gouvernemental. Une autre manifestation a eu pour conséquence d’incendier un poste de police parce qu’un jeune s’est immolé après une querelle avec ses parents, et comble du ridicule, des terres agricoles louées par l’Etat ont été occupées par des contestataires. Sans oublier les chômeurs qui bloquent l’entrée d’entreprises ou d’usines, aux employés sous prétexte d’avoir un emploi.
Conséquence: tout le monde se retrouve dans la rue, car pour éviter les incidents qui peuvent survenir, les autorités finissent par ordonner la fermeture de l’entreprise. Il paraît qu’il y en a même qui ont revendiqué «une indemnité de la Révolution»!
Après la révolution, le pays s’est retrouvé devant un grand nombre de «défenseurs de la révolution, qui ont poussé comme des champignons». «La révolution qui n’a pas été encadrée et qui n’a été guidée par personne, a été à l’origine de la chute d’un régime oppressif qui a exploité sans merci les ressources du pays et a privé le peuple de sa dignité», a rappelé M. Caïd Essebsi: «Le gouvernement que je préside existe depuis un mois 2 jours. Et lorsque nous en avions pris les rennes, le pays était à genoux. Des entreprises incendiées ou fermées et une croissance de 0%, le chômage avait atteint 600.000 dont 140.000 diplômés du supérieur conjugué à une débâcle sécuritaire et un branle-bas médiatique. Ceux qui ont réellement fait la révolution ont accordé leur confiance à ce gouvernement et nous nous devions de respecter leur volonté».
Pour surmonter la crise, il a été décidé de compter tout d’abord sur les ressources propres du pays: «nous avons d’ailleurs refusé plusieurs aides étrangères».
Le programme d’investissement et de création de projets dans les régions a été le fait de d’entrepreneurs tunisiens volontaires. Il a été décidé de créer au plus vite des postes d’emplois pour 60.000 jeunes, dont 20.000 dans la fonction publique, 20.000 dans l’armée et la police nationale et 20.000 dans le secteur privé.
Le risque est qu’avec les débordements que vit le pays de part et d’autre, le secteur privé n’arrive pas à caser son quota de 20.000 demandeurs d’emplois: «Si les entreprises tunisiennes souffrent et résistent, les entreprises étrangères veulent partir». D’où l’importance d’assurer la sécurité et la stabilité au plus tôt tout en observant des améliorations notables de ce point de vue à l’échelle nationale.
Mais ce qu’il ne faut pas perdre de vue, c’est que le gouvernement n’est pas le seul responsable de la réalisation des objectifs de la révolution, tous les Tunisiens sont concernés: «Nous sommes conscients que la manipulation existe, la majorité est, il est vrai “silencieuse“, mais elle n’est pas inerte, donc nous devons tous agir pour faire sortir le pays de ce cercle vicieux».