Tunnel sous la Manche : Alstom récuse tout “protectionnisme”

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à Belfort le 29 octobre 2009 (Photo : Sebastien Bozon)

[11/04/2011 12:04:50] DUBAI (AFP) Les protestations du groupe français Alstom contre le choix d’Eurostar de commander à son concurrent allemand Siemens des trains à motorisation répartie pour ses liaisons sous le tunnel sous la Manche ne relèvent pas du “protectionnisme”, selon Alstom Transport.

“Ca n’a rien à voir avec du protectionnisme”, a déclaré M. Mellier dans un entretien à l’AFP, assurant que ce qu’il souhaitait, c’est que tous les concurrents en lice soient jugés selon les mêmes critères.

“Il faut arrêter cette pétaudière, se donner le temps qu’il faudra pour que la Commission intergouvernementale définisse les nouvelles règles de sécurité”, a-t-il dit en marge du congrès mondial de l’Union internationale des transports publics (UITP) qui se tient à Dubai du 10 au 14 avril.

La compagnie transmanche Eurostar, filiale de la SNCF, a annoncé en octobre l’achat de dix nouveaux trains à Siemens, en anticipant l’évolution annoncée des règles de sécurité dans le tunnel.

Cette commande a suscité la colère de l’Etat français et du fournisseur habituel, Alstom, qui est intervenu en justice pour faire annuler le contrat.

Selon M. Mellier, l’appel d’offre prévoyait que le contrat ne serait pas octroyé avant que des nouvelles règles de sécurité concernant la motorisation répartie ne soient fixées.

Or, les trains de Siemens choisis par Eurostar seront équipés d’une “motorisation répartie”, avec des éléments moteurs le long de la rame, et non logés dans la seule motrice.

Ce choix a été critiqué par le français, au motif notamment qu’il présenterait plus de risques d’incendie.

M. Mellier a déclaré lundi qu’Alstom “est tout à fait capable de faire des trains à motorisation répartie”, citant notamment le Pendolino exploité par Virgin au Royaume-Uni. Mais il souhaite que tous les concurrents soient examinés “à l’aune de ces nouvelles règles”.

“Une fois la nouvelle réglementation édictée, on lance l’appel d’offres au vu de règles clairement connues”, a-t-il dit.

“Il faut que l’on adapte les règles de sécurité à cette infrastructure unique au monde. La motorisation répartie peut très bien fonctionner dans le tunnel mais il faut que des études soient réalisées” notamment pour l’évacuation des passagers en cas d’incendie, et pour la circulation de trains plus courts.

Selon M. Mellier, la compagnie allemande Deutsche Bahn envisage d’utiliser dans ce tunnel des rames de 200 mètres, contre 400 mètres pour Eurostar, ce qui pourrait poser problème car les issues de secours sont espacées de 375 m dans le tunnel.

“La réglementation actuelle impose par exemple un couloir continu pour l’évacuation des passagers”, a expliqué M. Mellier. “Avec la motorisation classique, il y a une motrice à l’avant et une à l’arrière donc en cas d’incendie du moteur d’un côté, les passagers peuvent évacuer de l’autre”.

“Avec une motorisation répartie, le couloir continu serait interrompu avec des passagers de part et d’autre de l’incendie. Une partie des passagers ne pourrait accéder à la sortie de secours” devant laquelle le train se serait arrêté, a-t-il poursuivi.

Selon lui, avec l’intense chaleur et l’épaisse fumée dégagées, il serait difficile aux voyageurs de parcourir même une dizaine de mètres dans le tunnel principal pour atteindre la sortie de secours la plus proche.

Lors du dernier incendie, causé par un poids-lourd, “la température est montée à 600 degrés. Il y avait tellement de fumée et de chaleur, que rater la porte de quelques dizaines de mètres a été un gros problème”, a-t-il indiqué.

Reconnaissant qu’aucun incendie dans le tunnel n’a jusqu’à présent été causé par un moteur ou un transformateur d’une rame, M. Mellier a relevé que “les normes de sécurité sont là pour envisager ce qui ne doit jamais se passer”.