Tunisie-Finance, Jalloul Ayed : «la Tunisie est l’un des rares pays où le système bancaire traine derrière l’économie »

«Singapour a une superficie qui ne dépasse pas les 584,8 km², la Tunisie s’étale pour sa part sur 164.000 km2, le produit national brut de Singapour est 222 milliards de $, notre PNB à nous est de 45 milliards de $. Il faut rêver notre nouvelle Tunisie, mais il faut également relever les challenges qui sont de taille», a affirmé Jalloul Ayed, ministre des Finances au gouvernement de transition, lors du Forum organisé vendredi 8 avril sur le programme économique du gouvernement.

Notre système bancaire doit se mettre à niveau en engageant des réformes structurelles. A commencer par les banques publiques qui représentent 40% des banques tunisiennes et où tout doit changer, partant du système de gouvernance, de l’information en passant par celui de la gestion et surtout celle des risques. «Il faut que les banques deviennent de véritables moteurs pour l’économie. La Tunisie est l’un des rares pays au monde où le système bancaire traîne derrière l’économie».

Pour y remédier, préconise le ministre des Finances, il faudrait développer le marché des capitaux dans lequel notre expérience est très modeste. Les opérateurs économiques pourraient ainsi lever des capitaux sur le marché à travers des émissions obligataires, à titre d’exemple. «Jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons pas pu mettre en place un cadre adéquat pour développer le marché des capitaux, et cela sera le rôle du ministère des Finances».

Pour booster l’économie, le gouvernement mettra en place deux véhicules d’investissement de grande envergure. La caisse des dépôts et de consignation et un fonds souverain, générationnel.

Le premier véhicule sera consacré au financement des infrastructures et aux méga projets qui ne peuvent être financés par le secteur privé tel le réseau des chemins des fers ou les infrastructures routières.

Le deuxième est un fonds souverain, soit un instrument extrêmement puissant qui aura la capacité de créer des milliers d’emplois s’il est bien géré, assure Jalloul Ayed. Ce fonds, dont le capital est évalué à 2,5 MDT avec la possibilité de doubler, d’après le ministre, si on sollicite des investissements d’autres fonds souverains ou d’institutions financières internationales, «créerait des sous-fonds. Ce qui permettrait de financer des projets d’infrastructures qui pourraient être assurés par le secteur privé, un centre de private equity pour multiplier les opportunités d’investissements, un fonds financier qui gérera le cash et des fonds spécialisés. La professionnalisation des métiers d’investissement est seule garante des succès des investissements. A titre d’exemple, en Europe, 70% des transactions immobilières se font par des fonds immobiliers». Grâce à la création de pareil fonds au Maroc, les plus grands promoteurs immobiliers ont investi au Royaume où ce secteur est en train d’être professionnel.

Pareil pour le secteur touristique qui a besoin d’un fonds retournement qui exige des compétences pointues financières et juridiques et surtout une excellente connaissance du tissu touristique.

Malheureusement le secteur bancaire et financier tunisien manque de compétences en la matière et gagnerait à rattraper du terrain. La Tunisie pourrait devenir un véritable centre de compétence en matière de «private equity» et en fonds d’investissements. «La Tunisie a tout ce qu’il faut pour réussir, une position géostratégique exceptionnelle, des hommes et des femmes de grande compétences. En Tunisie, il y a une entreprise qui emploie 70 analystes financiers qui font des analyses qui sont vendues à des investisseurs européens. Les opportunités sont immenses pour un pays comme le nôtre. Nous pouvons devenir un véritable centre rayonnant dans la gestion d’actifs et fonds d’investissements islamiques au Maghreb, Moyen-Orient et même en Afrique. La finance islamique génère 2,3 trilliards de $ par an de par le monde. Christine Lagarde s’est trompée lorsqu’elle a voulu développer la banque islamique en France, pensant qu’elle pourrait ramener les flux islamiques en France. Faux, ce ne sont pas les banques islamiques qui drainent les capitaux, ce sont les Fonds islamiques et la Tunisie qui peut réussir dans ce domaine», a indiqué Jalloul Ayed.

La Tunisie a encore du chemin à parcourir pour atteindre les normes internationales dans les secteurs bancaire et financier, avant, il y avait les compétences mais sans véritable volonté de la part des pouvoirs publics. Aujourd’hui la volonté existe, c’est un bond en avant.