La solution du chômage passe nécessairement par des réformes structurelles très importantes. Deux réformes essentielles, celle du secteur public pour l’aligner au secteur privé et particulièrement les opérateurs publics qui opèrent dans des secteurs concurrentiels, a indiqué Jalloul Ayed, ministre des Finances, dans une récente intervention à l’IACE.
Il est impératif, d’après le ministre, de lancer une véritable réforme de l’administration car il n’est pas normal aujourd’hui qu’un ministre des Finances soit dans l’incapacité d’approuver l’acquisition d’un lap top pour l’un de ses cadres. Il est inadmissible aussi que le PDG d’une banque publique ne puisse pas acquérir des équipements pour son établissement sans passer par le Premier ministère après avoir fait un arrêt au ministère des Finances, indique le ministre.
Il est temps aujourd’hui de doter les Administrations publiques de moyens aussi bien matériels qu’humains afin qu’elles assurent au mieux leur mission. «Nous avons des cadres extrêmement compétents. Je me suis d’ailleurs demandé comment ils ont pu survivre pendant toutes ces années alors qu’un directeur général touche l’équivalent d’une assistante de direction, pas en Europe mais au Maroc. Il faut que ça change, nous ne pouvons pas continuer avec ce système. Nous ne pouvons pas admettre que les dirigeants des banques privées touchent cinq fois plus que leurs confrères dans les banques publiques», sinsurge-t-il
Pour Jalloul Ayed, il y a une aberration dans le système tunisien, à savoir le gap entre le secteur privé et celui public. Un gap qu’il faut réduire au plus tôt.
«L’ancien régime a mis en place un système fabriqué de toutes pièces qui a été verrouillé pour servir une minorité d’individus qui sont allés jusqu’à piller les ruines de Carthage, la source de notre âme et notre identité pour en faire des objets d’ornement! Tout doit changer», assure le ministre des Finances.
Dans l’attente, le programme mis en place par le gouvernement de transition ne comprend aucune réforme. Il s’agit tout juste de remettre sur les rails une économie vivant une situation, le gouvernement de transition est un maillon entre «un passé peu glorieux et un avenir que nous espérons radieux».
Le programme a été élaboré en partant de la réalité du pays, et d’une situation critique qui comprenait de grandes fissures savamment dissimulées. «Des fissures entre les secteurs public et privé, les régions et entre classes sociales».
Il fallait lancer des mesures d’urgence pour instaurer les conditions du redémarrage de l’économie, apporter des réponses au problème du chômage, venir en aide aux entreprises en difficultés au niveau du fisc et des financements et relancer l’investissement. Elles sont de nature fiscale et financière; mesures prises après avoir entendu les doléances des entreprises, avances sur les crédits d’impôts des entreprises sans leur faire subir un contrôle approfondi. La relance de l’investissement dans les régions encouragerait les promoteurs à y investir jusqu’en 2012, sans qu’ils aient à subir des questionnements sur la provenance de leurs fonds.
La micro-finance réglementée
Un plan économique audacieux et basé sur l’infrastructure pour résorber le chômage, un développement économique permettra de réduire le gap entre le développement des régions de l’intérieur et celles côtières. Pour y parvenir, il faut développer la micro-finance, le private equity (capital-risque) et la PME/PMI.
Pour ce qui est de la micro-finance, l’Etat est aujourd’hui en train de mettre en place un cadre réglementaire pour que le secteur soit géré au mieux tout comme les banques et les assurances. C’est un élément essentiel, un développement à petitte échelle mais dont l’impact sur le plan économique et social est très important. «Nous avons aujourd’hui près de 260 associations qui opèrent dans un cadre non réglementé».
Le deuxième secteur qui sera revu est celui du capital risque; il faut absolument développer les SICAR car le développement est basé sur l’investissement et les pays qui soignent l’acte d’investir sont ceux qui ont développé les fonds d’investissement dans toutes ses dimensions, du plus petit au plus grand. Les SICAR ont joué dans notre pays un rôle mitigé parce qu’elles opèrent comme des banques déguisées. Ce sont des petites banques qui profitent d’un système d’incitations fiscales et qui opèrent exactement comme des banques.
Il est temps de revoir ces pratiques et instaurer un nouveau métier, le métier du capital-risque, un métier qu’il faut apprendre car il n’est pas aisé. Au ministère des Finances, opérateurs et experts planchent pour susciter une révision très importante de la réglementation pour ce qui est de cette profession. «La prise de risque implique qu’un investisseur doit réellement en prendre, c’est un métier et nous pensons que la PME/PMI mérite un accompagnement plus important et plus professionnel et c’est la raison pour laquelle nous avons décidé de créer des pôles bancaires au niveau des régions, nous avons commencé par le BFPME et nous allons donner des instructions pour que les banques assurent la proximité au niveau des régions pour leurs clients. Il n’est plus question qu’un client de la BFPME prenne un louage pour qu’arrivé à Tunis, on lui dise, ce papier n’est pas le bon», indique M. Ayed.
Le gouvernement de transition s’emploiera durant ces trois mois à accompagner l’entreprise au niveau des régions, pour assurer son évolution. Rien ne sera épargné pour l’aider, en passant par le conseil, la mise en place du produit et l’accompagnement sur le marché. Le but est de stabiliser un tant soit peu les jeunes promoteurs et donner leurs chances aux jeunes diplômés. Toutes les décisions du gouvernement prendront effet immédiatement.