Le clan des
Ben Ali-Trabelsi a fabriqué un audiovisuel bien à lui. En favorisant
un vide juridique et institutionnel qui lui a permis d’octroyer les fréquences à
qui il souhaite et de signer des “conventions” pour l’édition d’un service de
radiodiffusion avec qui il entend. C’est le propos de ce premier article sur le
paysage audiovisuel tunisien.
“Je leur souhaite bien du courage”. La réflexion est d’un consultant en
audiovisuel. Faite à l’endroit des travaux du récent atelier (9-10 avril 2011)
organisé, à Tunis, sur “La réforme des médias audiovisuels” et qui a mis en
exergue l’étendue des procédés et manoeuvres entreprises sous l’ancien régime
ainsi que les initiatives à prendre, les projets à mener et les changements à
apporter au niveau du paysage audiovisuel tunisien. Lequel a souffert, à
l’instar de nombreux autres secteurs de la vie nationale, du despotisme tout le
long du règne du président déchu, Ben Ali.
L’audiovisuel tunisien a souffert d’un vide juridique orchestré du reste par
clan Ben Ali-Trabelsi afin d’avoir les coudées tranches au sens large du terme.
Force est de constater, d’abord, que le monopole a disparu en Tunisie avec la
promulgation du Code des télécommunications de janvier 2001. Ce texte dit dans
son article 4 que “sont abrogés toutes les dispositions antérieures, contraires
aux dispositions” du Code des Télécommunications qui a pour objet l’organisation
de cinq activités dont celle de “la fourniture des services de télédiffusion” (
Article 1).
Barrer la route aux candidatures “malvenues”
Une activité qui est définie ainsi: “services des télécommunications assurant la
transmission et la diffusion des programmes radiophoniques et télévisuels au
moyen des fréquences radioélectriques” (Article 2). Ce qui veut bien dire que le
monopole de radiodiffusion sonore et visuelle, institué, le 25 juillet 1957, par
le bey de Tunisie, Mohamed Lamine, n’a plus droit de cité.
Restons au niveau de ce Code pour souligner qu’il institue une nouvelle
structure, l’Agence Nationale des Fréquences (ANF) (Article 47) qui a pour tâche
notamment d’accorder des fréquences conformément à ”un plan national des
fréquences radioélectriques” (Article 46).
Il s’agit là, notent des observateurs, d’un premier verrou institué par l’ancien
régime pour barrer la route aux candidatures “malvenues”. Et l’argument est
pratiquement le même, notamment lorsqu’il s’agit d’accorder une fréquence pour
une chaîne de télévision sur le réseau terrestre: “La Tunisie ne possède pas
pour l’heure de fréquence disponible”.
Cela est le côté bâton. Pour la carotte, un autre discours a vu le jour ces
dernières années: “Nous verrons mieux avec la TNT (Télévison Numérique Terreste)
qui permettra la mise en place de nouvelles fréquences”.
Le second verrou? Aucun décret, arrêté, décision, ni circulaire et ni aucune
structure ne sont venus mettre de l’ordre dans cette “transmission et diffusion
des programmes radiophoniques et télévisuels au moyen des fréquences
radioélectriques”. En somme, un vide juridique et institutionnel qui ne favorise
aucun pas en direction de la “libération de l’initiative dans l’audiovisuel
tunisien” longtemps présentée comme une réussite par l’ancien régime.
L’amendement du Code des télécommunications en 2008 n’a du reste rien apporté au
niveau des “services des télécommunications assurant la transmission et la
diffusion des programmes radiophoniques et télévisuels au moyen des fréquences
radioélectriques” cités plus haut sinon de permettre à l’ONT (Office National de
Télédiffusion) de louer sa capacité excédentaire de transmission” au profit
d’opérateurs télécom”. L’ONT ayant bénéficié dans le Code de 2001 d’une
concession pour l’exploitation des réseaux et services des télécommunications”
(Article 91).
Un vide juridique et institutionnal qui a permis d’avoir les mains libres en
matière de création de chaînes radio et télévision. En effet, alors que les
demandes s’entassaient sur les bureaux des responsables des ministères et de la
Communication et des Technologies de la Communication, entre lesquels les
promoteurs faisaient des allers-retours du fait du “ce n’est pas moi, c’est
l’autre”, des “conventions” étaient signées avec certains autres promoteurs.
Cinq radios et trois chaînes de télévision ont bénéficié de cette “manoeuvre”.
Mosaïque Fm, Radio Ezzitouna du Saint Coran,
Jawhara Fm,
Shems Fm et
Express Fm
(pour les stations de radio) et
Hannibal Tv et Nessma Tv (pour les chaînes de télévison) depuis novembre 2003, date de la “libération des ondes” en Tunisie.
Inutile de préciser que certains de ces médias sont la propriété de personnes
proches du clan Ben Ali-Trabelsi, lorsqu’ils ne sont pas la propriété (en
totalité ou en partie) de membres de ce clan. Ce qui n’a pas empêché, toutefois,
l’ancien régime de leur imposer des règles de fonctionnement et un contrôle bien
stricts.
A suivre : Une “liberté” bien surveillée!