Limiter les travailleurs immigrés : les syndicats hostiles, le patronat réservé

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és sans papiers occupent, le 25 mars 2010, un chantier à Paris afin de réclamer leur régularisation (Photo : Pierre Verdy)

[18/04/2011 15:20:29] PARIS (AFP) La décision du gouvernement de réduire le recours aux travailleurs étrangers a suscité lundi un tollé du côté des syndicats qui dénoncent un discours anti-immigration et la réserve du patronat dont la chef de file Laurence Parisot plaide pour un pays “ouvert”.

Le ministre du Travail Xavier Bertrand a annoncé la veille son intention de réduire la liste des “métiers en tension” pour lesquels les employeurs ont du mal à trouver des candidats adéquats et peuvent recruter des immigrés. Il veut donner la priorité à “la formation” des chômeurs français pour occuper ces postes.

Le ministre reconnaît toutefois que la mesure concerne peu de monde: l’immigration liée au travail représente “à près 20.000 personnes” par an.

Un arrêté de 2008 définit pour chaque région une liste de métiers – une trentaine au total – ouverts aux étrangers: il s’agit pour l’essentiel de professions qualifiées et techniques- informaticiens, géomètre, opérateur de formage du verre, contrôle comptable – et aussi liés au secteur BTP. Pour certains pays (Tunisie, Sénégal), la liste est plus large.

A un an de l’élection présidentielle et en pleine controverse sur l’immigration, l’annonce a déclenché l’ire des syndicats: “c’est une façon déguisée de faire du discours contre l’immigration”, a accusé le secrétaire général de la CFDT François Chérèque. Son homologue de FO Jean-Claude Mailly dénonce un “discours dangereux” qui “dans le contexte actuel sent mauvais”.

“On voit que le gouvernement est en campagne, il multiplie l’annonce de mesures tendant à faire plaisir à l’électorat du Front National”, affirme à l’AFP Mourad Rabhi de la CGT. Selon lui, “même s’ils durcissent cette liste, cela n’aura aucun impact et ne répondra en rien à la problématique du chômage en France”.

Le patronat n’est pas d’un avis très différent: “on peut chaque année revisiter ces catégories professionnelles”, concède la présidente du Medef Laurence Parisot, “mais on parle de 20.000 personnes. Est-ce qu’il y a un sujet sur 20.000 personnes?”. “Ce n’est pas le coeur du sujet”.

“Restons un pays ouvert qui accueille de nouvelles cultures et tire profit du métissage”, préconise la numéro un du Medef.

De son côté, la CGPME, autre organisation patronale, insiste sur la nécessité de la formation des jeunes chômeurs mais “en attendant il faut que nos entreprises soient capables d’honorer leurs carnets de commande, et ne perdent pas de contrats”, prévient Geneviève Roy.

Pour le patronat, le problème est celui des postes offerts qui ne trouvent pas preneurs – malgré un chômage de masse- et dont le nombre dépasse largement celui de l’immigration légale. Le Medef les évalue à 500.000, la CFDT évoque 150.000.

Le chiffrage est difficile: certains postes sont parfois affichés par l’employeur pendant quelques mois avant d’être retirés sans explication. Selon une estimation de Pôle emploi, quelque 250.000 postes en 2010 sont restés sans preneurs pendant un an.

L’enquête “Besoin de main d’oeuvre” de Pôle emploi, publiée en avril, révèle que plus du tiers (37,6%) des embauches projetées par les employeurs en 2011 butent sur des difficultés de recrutement.

Mais à près de 40% les emplois offerts sont saisonniers. Et parmi les profils recherchés, outre les informaticiens, il s’agit en majorité de métiers souvent mal rémunérés (cuisiniers, serveurs, aides ménagères, emplois de maison, infirmiers, agents de sécurité). Professions qui ne correspondent pas à celles ouvertes aux immigrés.

D’ailleurs, seuls 18% des patrons rencontrant des difficultés de recrutement songent à faire appel à des personnes de l’étranger, selon cette enquête. Les autres prévoient de former des candidats.