Lucratif et facile à cultiver, le pavot, “culture idéale” en Afghanistan

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Un policier afghan dans un champ de pavot, le 19 avril 2011 (Photo : Bay Ismoyo)

[24/04/2011 09:49:17] KABOUL (AFP) Facile à cultiver et à stocker, lucratif, vendu sur pied à un prix fixé d’avance, livré sur les lieux mêmes de production, le pavot est la culture idéale dans un pays en guerre comme l’Afghanistan, premier producteur mondial d’opium, dont la récolte annuelle y a commencé.

Le pays compte environ 123.000 hectares de pavot, cultivés par près de 250.000 foyers (environ 6% de la population), selon l’Office de l’ONU contre la drogue et le crime (UNODC).

“La principale raison pour laquelle on cultive l’opium est parce que ça rapporte”, explique Haji Abdul Hameed, un fermier de la province de Kandahar, le fief historique des insurgés talibans dans le sud. “Cela demande moins de temps, moins d’efforts et rapporte plus. Il n’y a pas besoin de le commercialiser (…) La récolte est vendue sur pied (…) à un prix fixé à l’avance”.

Selon Jean-Luc Lemahieu, directeur de l’UNODC pour l’Afghanistan, “en période de conflit ou d’insécurité, le pavot est la meilleure plante à cultiver”.

Les trafiquants d’opium “viennent à la ferme, fournissent les semences, avancent les frais et viennent chercher la récolte”, alors que les marchés sur lesquels commercialiser le blé ou les légumes sont souvent éloignés et certaines routes dangereuses, précise-t-il.

L’opium récolté est également stockable et se conserve bien plus longtemps que fruits et légumes, qui sont rapidement perdus si des combats ou un pic d’insécurité perturbent leur commercialisation.

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êt à être ramassé dans le Helmand, en Afghanistan, le 18 avril 2011 (Photo : Bay Ismoyo)

Par ailleurs, le pavot nécessite moins d’eau que le blé – principale culture en Afghanistan – et rapportait quatre fois plus en 2010.

Entamée en 1979 par la guérilla antisoviétique, la production afghane d’opium représente désormais environ 90% de la production mondiale. Et la politique d’éradication, menée depuis plusieurs années par le gouvernement et ses alliés occidentaux, n’a eu que peu d’effets sur les surfaces cultivées.

La province de Kandahar et celle du Helmand, bastions de l’insurrection, représentent à elles seules 74% de la production afghane. Dans ces zones, la présence gouvernementale est faible et l’insécurité importante.

Mais en 2011, l’UNODC s’attend également à une forte hausse des cultures de pavot dans le nord et le nord-est, notamment dans certaines provinces qui en avaient été débarrassées.

En cause, la flambée des prix (+306% en un an, selon l’UNODC) et l’insécurité croissante dans certaines de ces régions. Depuis fin 2009, les troupes afghanes et internationales se sont concentrées sur les bastions talibans du sud, et l’insurrection a gagné du terrain dans le nord.

Mais chaque fermier ne récupère qu’une faible partie des quelque deux milliards de dollars générés, selon l’UNODC, par l’opium afghan à tous les niveaux.

Principaux bénéficiaires, les trafiquants, mais aussi les insurgés talibans d’un côté et d’ex-chefs de guerre, alliés du président Hamid Karzaï de l’autre, parfois tous liés par une communauté d’intérêts.

Contrairement à une idée reçue, la production d’opium n’avait pas diminué sous le régime des talibans (1996-2001), qui en tiraient de substantiels revenus fiscaux.

Aujourd’hui, ils continuent de taxer les paysans dans les zones qu’ils contrôlent, explique Haji Matiullah, autre fermier de Kandahar, qui leur cède environ 20% de sa récolte.

Les talibans, qui peuvent aussi être impliqués dans le trafic, protègent en échange les champs contre les opérations d’éradication du gouvernement. Le pavot procure aux insurgés entre 125 et 155 millions de dollars annuels, selon Jean-Luc Lemahieu.

Les ex-chefs de guerre, eux, désormais notables locaux voire hauts responsables gouvernementaux, parrainent ou protègent le trafic via d’inextricables réseaux de corruption, note l’Afghan Analyst Network (AAN), un réseau d’analystes installé à Kaboul.