«A ce train là, la rupture se fera avec l’avenir et non avec le passé», a indiqué Béji Caïd Essebsi, lors de la conférence de presse organisée mardi 26 avril au siège du Premier ministère et qui a traité de la position du gouvernement par face à la proposition faite par l’Instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la Révolution (ISROR) concernant la Constituante et l’exclusion des anciens du RCD et tous les hauts responsables du régime Ben Ali.
Le Premier ministre a dénoncé les pratiques de certains individus qui coupent les routes, bloquent l’accès à des entreprises, des pêcheurs qui ferment le port de Sfax, d’autres qui empêchent l’un des premiers fournisseurs du pays en gaz naturel d’exercer ses activités. «Nous comprenons la souffrance de ces personnes et leurs conditions de vie difficiles, mais si nous continuons ainsi, il n’y aura pas un climat social et économique adéquat pouvant assurer la stabilité du pays. Si ces comportement ne cessent pas, les conséquences seront désastreuses pour nous tous. A ce jour, nous voulons user de diplomatie dans la gestion de toutes les demandes exprimées par les uns et les autres, nous ne voulons pas user de force, mais faire preuve de compréhension. Le peuple devrait être conscient que nous sommes tous dans la même situation».
«Lampedusa horra, horra wi Ettalien ala barra»..
Est-il normal qu’une petite ville italienne de 6.000 habitants soit occupée par 22.000 Tunisiens en situation irrégulière?, s’interroge le Premier ministre: «Nous avons pourtant voulu négocier cela avec nos amis italiens qui ont pris sur eux de régulariser la situation de ces Tunisiens aux dépens de leurs relations avec les autres pays Européens. La France menace même de sortir de l’espace Schengen à cause de nous!». «Lampedusa horra, horra wi Ettalien ala barra»…(la liberté pour Lampedusa et les Italiens dehors…), c’est caricatural mais cela décrit exactement la situation de cette île.
Ces jeunes Tunisiens qui n’ont d’ailleurs pas où aller, passent leurs nuits dans les jardins publics et des lieux inamicaux. En essayant d’arrêter les passeurs, les autorités policières se sont vu agressées par les populations appelant à libérer leur progéniture qui ont enfreint la loi. Pour Béji Caïd Essebsi qui voulait réinstaurer la prépondérance de l’Etat et le respect de la loi, bonjour la prépondérance de la fameuse phrase devenue tristement célèbre «légitimité révolutionnaire», quand tu nous tiens…
Aucun parti n’a d’ailleurs déploré sit-in anarchiques et revendications insensées, tous occupés à préparer leurs campagnes électorales et à négocier leurs positions et leurs alliances. En attendant de se partager l’électorat PSD/RCD débouté par la décision de dissoudre l’ancien parti unique et d’exclure, d’après l’article 15 du décret-loi sur les élections, quiconque ayant appartenu aux structures du RCD et au gouvernement Ben Ali durant les 23 dernières années. Le texte n’a même pas spécifié où cette appartenance commence et où elle s’arrête. Belle preuve de démocratie apportée par les opprimés d’hier!
Une exclusion qui rappelle la loi du Talion
C’est d’ailleurs dans le sens d’une plus grande équité qu’est allé le gouvernement appelant à ce qu’une partie du peuple tunisien ne soit pas hors circuit. «Si nous suivions ce raisonnement, nous aurions pu, s’ils étaient vivants, exclure Mohamed Charfi, Dali El Jazi ou encore Saadeddine Ezmerli. Beaucoup de hauts responsables ont été assujettis par le régime Ben Ali, d’autant plus qu’il y avait deux gouvernements, l’un à la Kasbah et l’autre au Palais». A partir de là, estime le Premier ministre, tous les anciens conseillers, ministres siégeant à Carthage et membres du cabinet présidentiel seront exclus. Pour ce qui est du RCD, les listes de ceux impliqués dans des affaires douteuses, et ceux qui se sont attaqués aux intérêts du pays seront soumises au président de la République qui prendra les décisions adéquates. «Car nous ne pouvons pas considérer que le RCD est irresponsable par rapport à tout ce qui est arrivé au et dans le pays».
En attendant, la sentence d’exclusion de tous ceux qui ont travaillé sous Ben Ali pendant 23 ans, rendue par l’instance supérieure pour la réalisation des objectifs de la Révolution a été revue à la baisse par le gouvernement qui propose 10 ans. «Nous estimons que cette proposition est la plus adaptée à l’esprit du peuple tunisien modéré et tolérant. Celui qui a fait sa propre révolution sans aucun encadrement et sans avoir été guidé par qui que ce soit», précise Béji Caid Essebssi.
La Loi du Talion, ça vous dit quelque chose? Nous avons tous souffert du régime Ben Ali, de son oppression et de sa dictature. Est-ce à dire que la logique révolutionnaire, doit nous inciter à être des revanchards?
Nous ne le dirons jamais assez, tous les zélés qui ont été les complices de Ben Ali dans son œuvre destructrice contre la Tunisie et l’être tunisien doivent être sanctionnés. Mais sommes-nous capables, sous peine de devenir nous-mêmes des bourreaux de jurer que des centaines de milliers de personnes ont les mains sales? Cela serait même matériellement impossible. Essayons de questionner, de juger et de condamner les responsables et préservons le peu de coalition nationale qui nous reste alors que la Tunisie revit déjà des dissensions d’ordre tribal et idéologique. Gardons en tête que seule une vision tolérante et profondément démocratique nous permettra de passer outre toutes les divisions pour l’édification d’un pays moderne et évolué.