Dans le cadre du renforcement des acquis de la révolution du 14 janvier 2011, 57 étudiants de 3ème année de l’INAT, option sciences des productions végétales, ont élaboré en collaboration avec leurs enseignants, 5 mini-projets agricoles destinés à aider de petits agriculteurs des régions de Kasserine et Tozeur. Au delà du projet, c’est un nouveau rapport à la formation universitaire et à la valorisation des métiers de la terre qui est testé. Plus de détails avec Hatem Mabrouk, un des instigateurs du projet.
Webmanagercenter: En quoi consiste l’idée?
Hatem Mabrouk: Les étudiants de 3ème année de l’INAT doivent pour terminer leur formation effectuer un déplacement sur terrain d’une semaine appelé Voyage d’Etude et de Synthèse (VES). Pour cette année particulière, les étudiants ont décidé, après accord de l’administration, de transformer l’objet de ce VES en un Voyage d’Entraide et de Solidarité.
L’idée a donc consisté à récolter des dons auprès de sociétés de vente de produits agricoles pour mettre en place des mini-projets susceptibles de procurer aux agriculteurs défavorisés de l’intérieur du pays une source de revenus durable. Le projet repose sur 3 composantes principales: une main-d’œuvre qualifiée et motivée que représentent les étudiants, couplée à l’expertise de terrain de leurs enseignants, le tout couronné par la générosité des donateurs qui sont souvent des anciens de l’INAT.
Quel bilan faites-vous de cette expérience?
L’expérience a été très bénéfique sur plusieurs plans. Tout d’abord sur le plan pédagogique, elle a permis aux étudiants de concevoir et de réaliser sur le terrain des projets très concrets, comme par exemple planter une parcelle de pommier équipée d’un système d’irrigation au goutte-à-goutte.
C’était également une expérience humaine et sociale très enrichissante qui ne s’est pas limité aux agriculteurs mais également aux membres de leur famille, en particulier les enfants à qui ils ont offert des fournitures scolaires dans l’espoir qu’ils deviendront un jour ingénieurs comme eux. Cette action a permis de faire la promotion de l’INAT auprès des professionnels du secteur parce que les étudiants ont montré qu’ils pouvaient faire le travail d’un ingénieur avant même d’obtenir leur diplôme et d’arriver sur le marché de l’emploi.
Avec des coudées plus franches et un environnement de nature à permettre de construire une école plus performante et résolument tournée vers l’entreprise, que changeriez-vous?
Nos ingénieurs sortent de l’école avec un excellent bagage théorique mais ils manquent de pratique. C’est cela qui pose des problèmes en termes d’employabilité. Pour remédier à ceci, il faudrait renforcer les programmes de formation par des modules pratiques qui seraient idéalement conduits dans le milieu professionnel avec un encadrement étroit de la part des enseignants.
Par ailleurs, il est également indispensable de développer davantage le concept de «fermes pédagogiques» relevant des différents instituts d’enseignement agricole où les étudiants seraient en charge des pratiques agronomiques tout en étant jugés sur leurs performances sur le terrain en plus de leurs performances dans les salles d’examens.
La valorisation de l’agriculture passe incontestablement par la valorisation de ses métiers. Aujourd’hui, ne devient-il pas nécessaire d’intégrer une stratégie de communication permanente et positive sur le travail agricole? Que faut-il pour cela?
Oui, il est important de valoriser le travail agricole. C’est d’ailleurs un des objectifs de ce voyage d’entraide et de solidarité. Nous avons demandé à être accompagnés dans ce projet par un reporter de l’équipe de Hichem Ben Khamsa pour réaliser un petit documentaire sur notre action. Le but était de montrer au reste des étudiants de l’INAT mais aussi au grand public que le travail de la terre était l’ultime étape de tout projet agricole et qu’il n’y avait pas de honte à ce que de futurs ingénieurs se transforment pour l’occasion en ouvriers agricoles afin de réaliser les projets qu’ils ont conçus et imaginés.
Valoriser l’agriculture et ses produits aux yeux de tous, parler des success stories des professionnels et mettre en exergue une image positive du travail de la terre, c’est un challenge à relever au plus vite. L’INAT peut-il y participer?
L’INAT peut contribuer à la valorisation des métiers de la terre. Mais je pense que ceci relève plus d’une politique d’Etat qui doit encourager les jeunes diplômés du secteur agricole à lancer leurs projets dans leur région d’origine. Pour cela, il doit intervenir au près des institutions bancaires pour faciliter le financement dans le secteur agricole qui reste le principal frein pour les jeunes promoteurs.