L’UMA a brillé par son absence concernant la révolution, engagée en Libye, le 15 février 2011, contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi au pouvoir depuis près de 42 ans. Alors que l’Organisation des Nations unies (ONU), l’Union européenne, l’Organisation de l’Atlantique Nord (OTAN), l’Union Africaine (UA) et la Ligue des Etats Arabes se sont activées.
L’annonce a été faite vendredi 22 avril 2011, le Maroc veut contribuer à une solution politique en Libye. La dépêche d’agence qui rapporte l’information indique que «mercredi soir (20 avril 2011), le ministre marocain des Affaires étrangères, Taïeb Fassi Fihri, a rencontré des responsables du Conseil national de transition (CNT) qui représente les insurgés libyens. Deux jours plus tôt, il avait reçu un émissaire de Mouammar Kadhafi».
Il ne s’agit pas de la première «initiative» diplomatique d’un pays maghrébin à la révolution, engagée en Libye, le 15 février, contre le régime du colonel Mouammar Kadhafi au pouvoir depuis près de 42 ans.
Béji Caïd Essebsi, Premier ministre du Gouvernement provisoire tunisien, a effectué, les 15 et 16 mars 2011, une visite officielle en Algérie et au Maroc, son premier déplacement à l’étranger depuis sa prise de fonction. Tout le monde sait que, outre les questions d’ordre bilatéral, la crise libyenne a été indéniablement à l’ordre du jour des discussions du chef du gouvernement provisoire tunisien avec les autorités algériennes et marocaines.
Reste que ces quelques «initiatives» -isolées du reste- sont encore très en deçà des espoirs des peuples maghrébins parce qu’elles restent limitées à certains pays de la région et avec un contenu pas –encore du moins- clair.
Le problème réside, à ce niveau, surtout au fait que les pays maghrébins qui s’impliquent dans la crise libyenne avancent seuls, comme si celle-ci se situait en dehors d’un espace qui les engage, du moins officiellement depuis 1989, date de la création de l’Union du Maghreb Arabe (UMA).
Tout le monde sait du reste que la construction de cet espace connaît des difficultés, mais certaines de ses structures ont fonctionné comme le Conseil des ministres des Affaires étrangères. Ne pouvait-il pas se réunir en session extraordinaire pour traiter de la question libyenne?
Il est étonnant, à ce propos, que les Maghrébins aient laissé le terrain à de nombreux acteurs (ONU, UE, OTAN, UA et Ligue des Etats arabes) en vue de réagir en engageant souvent moyens militaires et initiatives politiques comme si la question ne concernait pas l’UMA.
Peut-on imaginer que l’Union européenne ou l’Union Africaine ne réagisse pas à un conflit en son sein ou à ses frontières? Il faut pour cela se rappeler que l’Union Africaine n’a pas mis trop de temps pour s’impliquer dans les crises ivoirienne et libyenne.
Il est à se demander si les pays maghrébins sont encore à certains articles du Traité de Marrakech par lequel a été créée cette Union comme l’article 14 qui stipule que «Toute agression contre un Etat membre est considérée comme une agression à l’égard des autres Etats membres» ou encore l’article 15 qui affirme que «Les Etats membres s’engagent à ne permettre sur leurs territoires respectifs aucune activité ni organisation portant atteinte à la sécurité, à l’intégrité territoriale ou au système politique de l’un des Etats membres».
Faut-il s’interroger, dans le même ordre d’idées, sur le sens de cette phrase inscrite au préambule de ce Traité: «L’édification de l’Union du Maghreb Arabe nécessite des réalisations tangibles et l’instauration de règles communes concrétisant la solidarité effective entre ses composantes». Ou cette profession de foi, inscrite également dans le préambule du Traité de Marrakech, sur «les liens solides qui unissent les peuples du Maghreb Arabe et qui sont fondés sur la communauté d’histoire, de religion et de langue». Les Africains et les Européens ont réagi alors que leur «histoire commune», comme on dit, ne tisse pas autant de liens.
On comprend bien qu’il ne s’agit pas de dire que la révolution engagée par tout le peuple libyen nécessitait une réaction de l’UMA. Ce serait -il évident- un contresens: comment s’opposer à la volonté d’un peuple de s’affranchir du despotisme? L’UMA pouvait, toutefois, réagir aux frappes de l’OTAN consécutives à une résolution de l’ONU ou encore à l’envoi de «soldats de liaison» étrangers sur le sol libyen. Ceci étant, dès lors que l’UMA en tant qu’entité n’a même été consultée au moment de la préparation puis du vote de la résolution à l’ONU, il faut avouer qu’il était difficile de s’opposer à quelque sanction –fût-elle militaire- contre notre voisin du sud-est.
Un manque à gagner d’environ 2% du PIB
L’absence d’une réelle implication de l’UMA dans la crise libyenne, par le biais évidemment d’initiative commune et concrète, n’a pas étonné. L’UMA est devenue très rapidement une coquille quasi vide. Même si des structures existent et que certaines d’entre elles continuent à fonctionner cahin-caha ou font semblant de fonctionner ne produisant pas ces «réalisations tangibles» inscrites dans le préambule du traité de Marrakech.
Fait marquant de cette situation: l’UMA est en panne depuis 1994, date du –dernier- sommet entre ses chefs d’Etat. Une tentative de tenir, en mai 2005, un sommet à Tripoli pour relancer la construction maghrébine, a été menée. En vain!
Les raisons de la non tenue d’un tel sommet sont connues: relations tendues entre e Maroc et l’Algérie en raison du conflit du Sahara et mésentente entre la Mauritanie et la Libye- pour ne pas dire plus -la première accusant cette dernière d’implication dans un coup d’Etat-, et la seconde exprimant des griefs à l’égard de la Mauritanie pour l’établissement de relations avec Israël et l’application des sanctions contre la Libye dans le cadre de l’affaire Lockerbie.
Et les choses risquent de ne pas s’arrêter prouvant que tout ne va pas pour le mieux au Maghreb. Le Front Polisario a démenti récemment les informations sur son implication dans la crise libyenne par «une présence de soldats sahraouis sur le sol libyen»; une information jugée comme «une tentative visant à ternir son image». «La presse marocaine, y compris l’agence officielle (MAP) ont procédé ces derniers temps à la propagation des graves erreurs, dont la dernière a été la prétendue présence de combattants du Front Polisario en Libye» (dixit Mohamed Salem Ould Salek, ministre des AE du Polisario).
Bien plus grave, selon de nombreux observateurs, la difficulté de mettre en place une coopération économique. Des projets comme la Banque maghrébine d’investissement et du commerce extérieur (BMICE), qui devait être opérationnelle en 2007, n’ont pas encore pu voir le jour.
De nombreuses rencontres ont, dans ce cadre, mis en évidence les répercussions de ce qu’on ne cesse d’appeler «l’état actuel du non-Maghreb» sur les niveaux de croissance économique des cinq pays maghrébins: un manque à gagner d’environ 2% du PIB. Comme elles ont mis en exergue la faiblesse du commerce intermaghrébin: ne représente que 2%.
Et il est à se demander si l’UMA servira encore –seulement- à la publication, le 17 février de chaque année, date anniversaire de son Traité, par les premiers responsables des Etats maghrébins de communiqués réitérant «la détermination à œuvrer, avec persévérance et fidélité, en collaboration avec l’ensemble des Etats de la région, en vue de concrétiser les objectifs stratégiques d’intégration et de complémentarité, et d’éliminer toute entrave susceptible d’empêcher l’UMA d’accomplir la mission qui est la sienne au service des intérêts des peuples maghrébins».