L’affaire Sokol ternit l’image de héros américain de Warren Buffett

photo_1304267813527-1-1.jpg
à Washington en octobre 2010 (Photo : Jemal Countess)

[01/05/2011 16:37:57] OMAHA (Etats-Unis) (AFP) Les soupçons de délit d’initié à l’encontre de son ex-protégé David Sokol ont pesé ce week-end sur la réunion annuelle des actionnaires de la holding de Warren Buffett, et terni son statut de héros américain.

Evènement unique du capitalisme moderne, l’assemblée générale des actionnaires de Berkshire Hathaway, la holding du “Sage d’Omaha”, est devenu au fil des ans un festival folklorique, mi-séminaire financier mi-spectacle d’humoriste, qui envahit la petite ville d’Omaha, dans l’Etat rural du Nebraska (centre des Etats-Unis).

Samedi, 40.000 fans de Warren Buffett, dont beaucoup se sont enrichis grâce à lui, s’étaient rassemblés dans un stade couvert pour écouter la parole de leur héros, en qui ils voient le symbole du capitalisme responsable, par opposition aux banquiers âpres au gain de Wall Street vus comme les responsables de la crise financière mondiale.

Pour eux, Warren Buffett est l’équivalent d’un Gandhi pour les Indiens ou un Churchill pour les Britanniques.

“C’est un homme qui a les pieds sur terre, il est franc, direct et très intègre”, explique Chuck Doane, installé à Omaha depuis les années 50 et actionnaire de Berkshire Hathaway.

Connu pour ses goûts simples et son sens de l’économie, Warren Buffett s’accorde un salaire de 100.000 dollars par an. Il vit dans la même maison depuis les années 50, et préfère un Coca à la cerise à un grand cru classé.

“Il personnifie l’esprit américain”, estime Lawrence Cunningham, un actionnaire venu avec sa femme enceinte assister à sa 14e assemblée générale pour écouter Warren Buffett répondre aux questions des actionnaires.

“Tous les pays ont leur héros, et le modèle du héros dans ce pays a de l’esprit, sait se moquer de lui-même et reste modeste”, explique M. Cunningham.

“Et tirer de simples leçons de vie d’idées très complexes est très américain”, ajoute-t-il.

C’est ce rôle de Pythie que les actionnaires viennent entendre chaque année.

Cette fois-ci encore, Warren Buffett s’est montré peu avare de conseils en tous genres, de l’investissement dans l’or (pas la meilleure idée au moment où les cours sont au sommet) à l’éducation des enfants quand on est riche (c’est votre faute, pas la leur).

Mais cette année, il y a a eu un problème que l’investisseur le plus respecté des Etats-Unis n’avait pas vu venir: la démission surprise de son assistant David Sokol, qui avait acheté et revendu des actions Lubrizol au moment où se dessinait la possibilité que le groupe chimique américain soit racheté par la holding de M. Buffett.

Pour les actionnaires, cet incident soulève des questions sur la capacité de jugement de M. Buffett, qui doit bientôt fêter son 81e anniversaire, alors que David Sokol était considéré comme un de ses successeurs possibles.

Pour Lawrence Cunningham, “cela peut inquiéter les gens, leur faire penser qu’il n’y a pas de héros en ce monde, car même cet homme, cette entreprise magnifique dirigée par des gens qui portent une auréole, a des crapules au plus haut niveau”.

Pour d’autres, le scandale soulève aussi des questions sur l’après Buffett.

“L’affaire Sokol soulève la question de la succession”, explique LJ Rittenhouse, venue elle aussi participer à sa 14e assemblée générale. “Comment quelqu’un qui était considéré comme un successeur potentiel a-t-il pu faire une chose pareille? Et comment remplacez-vous un Warren Buffett?”