Les armateurs redoutent le bannissement du fioul lourd

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Des ferries de la compagnie Brittany ferries au large de Saint-Malo, le 31 octobre 2010 (Photo : Damien Meyer)

[03/05/2011 07:42:07] BREST (AFP) Obligées à partir de 2015 de renoncer au fioul lourd pour passer au gazole, les compagnies maritimes françaises redoutent une baisse de leur rentabilité, et agitent la menace de fermeture de certaines lignes en Manche et mer du Nord.

“On est conscient des efforts à accomplir en terme d’environnement, mais il y a un effet couperet trop brutal. L’impact économique n’a pas été mesuré pendant les discussions”, regrette le directeur marketing et stratégie de la Brittany Ferries Christophe Mathieu.

L’annexe VI de la convention internationale Marpol, relative à la prévention de la pollution de l’air par les navires, imposera à compter du 1er janvier 2015, l’utilisation d’un carburant dont la teneur en soufre sera de 0,1%, (1% depuis le 1er juillet 2010) pour les bateaux navigant en mer Baltique, mer du Nord et Manche.

Le fioul lourd, utilisé dans les moteurs de navires (de 0,5% à 1% de soufre), ne sera donc plus compatible avec les zones de contrôle des émissions de sulfure d’oxygène (SOx) ou Sulfur Emissions Control Areas (SECA) définies par les pays membres de l’UE riverains pour protéger les populations et l’environnement.

Les compagnies devront abandonner le fioul lourd au profit du gazole, moins polluant mais actuellement 50% plus cher.

“Le surcoût sera de l’ordre de 70% en 2015 en tenant compte de la forte demande”, estime Christophe Mathieu qui considère inéluctable une hausse entre 15 et 20% des tarifs des billets.

“Le trafic va se concentrer sur quelques lignes et nous devrons fermer celles où la marge est la moins importante”, pressent-il, aussi bien pour le transport des passagers que des poids lourds.

“Il faut une aide d’Etat dégressive pour les aider à passer le cap”, assure le député UMP du Finistère Jacques Le Guen. Une aide que la Brittany Ferries appelle de ses voeux, “mais pour l’instant, rien n’a été chiffré”, précise M. Mathieu.

Si le coût du transport maritime venait à augmenter, les transporteurs retourneraient vers le transport routier, ce qui remettrait en cause le concept des autoroutes de la mer, soutenu par la Commission européenne, prédit aussi l’élu.

Armateurs de France a de son côté demandé le report de l’échéance de 2015 à une date ultérieure. Mais “aucun pays n’a suivi pour l’instant”, déplore Patrick Rondeau, le responsable affaires techniques et environnement de l’organisme qui fédère les compagnies maritimes françaises.

Des solutions, la Brittany en a envisagées comme la pose de filtres ou l’adaptation des moteurs au gaz naturel liquéfié (GNL), mais elle n’en a retenu aucune, compte tenu des coûts ou des difficultés techniques rencontrés.

L’espoir, selon Armateurs de France, repose sur la mise en service de Pegasis, un ferry propre, conçu dès l’origine pour fonctionner au GNL (0% de SOx) par la Brittany et le chantier naval de Saint-Nazaire STX France.

Mais de sérieuses contraintes financières, techniques et de sécurité doivent être franchies avant la mise en service, bien après 2015, du ferry “100% gaz” allant au-delà des exigences environnementales de l’OMI.