La restructuration de la dette grecque, un tabou en train d’exploser

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à Athènes (Photo : Louisa Gouliamaki)

[03/05/2011 09:30:29] PARIS (AFP) Remède pour sauver le pays ou potion aux effets néfastes ? Autrefois taboue, la restructuration de la dette grecque plane désormais sur les marchés et vient raviver les dissensions sur les solutions pour sortir durablement la zone euro de la crise.

L’idée de réduire le fardeau de la dette grecque a pris de l’ampleur depuis que le ministre allemand des Finances, Wolfgang Schaüble, a suggéré de mettre en place de “nouvelles mesures” si l’austérité en vigueur ne suffisait plus.

Les marchés ont immédiatement conclu que cette restructuration n’était plus qu’une question de temps, poussant les taux auxquels Athènes se finance à des niveaux intolérables (25% pour le deux ans, 16% pour le 10 ans).

Si la Grèce n’a pas besoin d’aller sur le marché avant 2012, grâce au plan d’aide de 110 milliards d’euros de ses partenaires européens et du Fonds monétaire international (FMI), elle reste néanmoins dans l’impasse. Son endettement va représenter 152% de son PIB cette année et elle peine à retrouver le chemin de la croissance.

Pour les marchés qui s’appuient notamment sur l’opinion du fonds obligataire Pimco, la solution est que la Grèce ne rembourse pas l’ensemble de sa dette ou la rééchelonne, quitte à pénaliser ses créanciers.

“Ce scénario pèserait sur certaines banques européennes, notamment les grecques, qui auraient besoin d’aides supplémentaires”, affirmait récemment The Economist. Cette situation serait toutefois “gérable”, poursuivait l’hebdomadaire, partisan avec d’autres analystes du “plus tôt sera le mieux”.

Une hypothèse que refusent en bloc les autorités européennes, redoutant des effets dévastateurs pour la Grèce comme pour ses voisins européens. La Banque centrale européenne (BCE) a évoqué à ce sujet le spectre de la banque d’affaires américaine Lehman Brothers, dont la faillite en septembre 2008 avait précipité la crise financière.

“Si les banques du pays s’effondrent, l’Etat doit renflouer le système bancaire. C’est comme quand on creuse un trou pour en boucher un autre !”, expliquait récemment un haut responsable européen, qui suit de près ce dossier.

“Une faillite, même partielle, entraîne une défiance généralisée pour les organismes financiers qui hésitent à se prêter entre eux. Une fois ce système touché, les établissements ne peuvent plus prêter aux entreprises ou aux ménages…”, développe de son côté Philippe Brossard, de la société d’études économiques Macrorama. “C’est un cataclysme!”.

En outre, une restructuration ne permet pas de redynamiser une croissance en berne ou remettre en état les finances publiques, avancent ses opposants.

Pour Philippe Dessertine, de l’Institut de haute finance, une onde de choc et une crise de liquidités seraient certes à prévoir, mais cette hypothèse serait toujours moins douloureuse que la faillite pure et simple d’un Etat, hypothèse qu’il n’écarte pas complètement.

“Si la Grèce devait sortir de la zone euro, là il y aurait un risque de catastrophe à la +Lehman Brothers+ car tout le monde se retrouverait pris dans une terrible spirale”, après avoir abandonné le pays, poursuit-il.

Bien qu’extrêmement violente, une restructuration de dette peut réussir, estime pour sa part Patrick Artus, économiste chez Natixis, à condition de remplir des conditions très strictes.

Pour éviter le pire, il faudrait s’assurer que le défaut de la Grèce ne concerne que les détenteurs de dette étrangers pour ne pas réduire à la portion congrue les fonds propres des banques locales.

Autre condition avancée: que les autres pays européens ne prennent pas de mesures de rétorsion à l’encontre de la Grèce (taxation des produits, suspension de fonds etc) et acceptent de reprêter rapidement au pays.

Des conditions qualifiées d'”héroïques” par cet économiste.