De manutentionnaire à PDG, la success story du roi de la volaille de Rungis

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à Rungis, le 22 avril 2011 (Photo : Mehdi Fedouach)

[06/05/2011 10:24:23] RUNGIS (Val-de-Marne) (AFP) A Rungis, le roi de la volaille a un chapeau Stetson pour couronne et un trône conquis à la sueur du front: à 50 ans, Gino Catena s’est fait une place de choix parmi les grossistes du plus grand marché de produits frais au monde où il portait des palettes il y a 30 ans.

De manutentionnaire anonyme à patron jalousé: l’histoire semble presque trop belle pour ce fils d’immigrés italiens grandi dans un HLM de banlieue parisienne, autodidacte mais capable d’appâter le client en mandarin ou en arabe et de survivre aux crises alimentaires qui ont secoué le secteur.

“Rungis, c’est un métier qui ne s’apprend pas et lui, il était fait pour ça”, raconte Etienne Brunet, le négociant en volailles qui lui a donné sa chance en 1981.

Son CV ne plaidait pourtant pas en sa faveur. Après un échec au bac qu’il a passé en “touriste”, le jeune Gino n’a pour lui qu’une expérience de bidasse au service militaire quand il débarque à Rungis à l’âge de 20 ans.

“J’étais un jeune branleur. Et j’ai pris des coups de pompe au cul”, résume-t-il.

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à Rungis, le 22 avril 2011 (Photo : Mehdi Fedouach)

Petit à petit, il apprend, fait son trou et ses preuves sous les ordres de “Monsieur Brunet”, une des rares personnes que Gino Catena n’arrive pas à tutoyer et à qui il rachète l’entreprise Avigros dans les années 90 avant de s’agrandir.

Aujourd’hui, le groupe qu’il dirige pèse 40% du marché de la volaille et du gibier à Rungis, réalise “plusieurs dizaines” de millions d’euros de chiffre d’affaires et s’est diversifié notamment vers l’alimentation halal.

Ses nuits sont pourtant toujours aussi courtes: sa journée de travail commence à 02H00 du matin avec un temps fort vers 05H00 quand affluent les clients, principalement des restaurateurs, venus s’approvisionner en pintades, en poulets de Bresse ou en magrets.

Une fois l’agitation retombée, il faut encore rester au contact des fournisseurs éparpillés dans toute la France tout en gérant ses quelque 80 salariés, mélange de “Gaulois et de Touaregs”, selon Gino.

“C’est un métier de cintrés mais je continue de m’amuser 13 heures par jour”, reprend le quinquagénaire, dont le regard bleu ne cesse de guetter le chaland.

Le “jeune branleur”, père de trois enfants, a toutefois pris de l’âge et encaissé quelques coups. Son couple a “explosé” il y a quelques années, sans doute sous le poids des horaires imposés par Rungis. “On s’était perdu de vue”, dit-il sobrement.

Cela ne risque plus d’arriver. La femme qui partage aujourd’hui sa vie se réveille comme lui aux aurores et enfile la même blouse blanche molletonnée pour vendre des poulets à ses côtés, dans le froid polaire du pavillon de la volaille.

Gino a aussi vu “l’âme” de Rungis se transformer. A l’entendre, ce marché, véritable ville dans la ville avec son propre boulevard périphérique, n’a plus rien du côté gouailleur de son ancêtre, les Halles de Paris.

“Avant, entre négociants, on se payait en poissons, en volailles ou en légumes. Maintenant, tout est carré, réglementé”, observe Gino.

Les crises alimentaires sont passées par là. La vache folle d’abord, qui a précipité les clients effrayés par le boeuf vers le pavillon de la volaille et la grippe aviaire ensuite, qui les en a fait fuir. “Même à ce moment-là, je n’ai jamais cessé de vendre”, dit Gino.

Son activisme, sa réussite et son franc-parler ne lui valent pas que des amis à Rungis où, dans une même halle, les négociants se font concurrence séparés par un simple calicot. “Ici, c’est tout sauf une grande famille”, lâche-t-il.

Et maintenant? Entre deux sonneries de portable et trois signatures de bons de commande, ce marathonien confirmé assure vouloir “bosser un peu moins”. Mais on n’est pas forcé de le croire…