«C’était la révolution, tout était totalement confus. Les prisonniers vivaient une pression encore plus forte que nous, nos prisons sont en piteux état, il fallait donc s’attendre à ce qui s’est passé», nous a déclaré Noureddine Echabaani, directeur général des services pénitenciers. Il ne manquerait plus que l’on nous dise, il n’y a pas plus normal que ça! M. Echabaani est celui-là même qui présidait aux destinées de nos centres de détention avant le 14 janvier. Il trouve aujourd’hui que ce qui s’est passé vendredi à Kasserine, à Gafsa, samedi à Kairouan à la prison Lihwareb, et qui a failli se produire le jour même à Borj el Roumi était attendu»….
Des milliers de prisonniers évadés en janvier, des centaines au mois d’avril. Mais ce n’est certes pas dramatique… Ça serait plutôt gérable… Comme d’habitude, on est dans le déni total refusant de donner crédit aux informations affirmant que les personnels pénitentiers observaient une grève à laquelle «ils n’auraient pas droit» et arguant que nos prisons sont en «piteux état».
Où allons-nous si un ministère de souveraineté est incapable d’assurer le maintien du calme dans les prisons et où on estime que ce qui s’était passé n’a rien d’extraordinaire! Près de 11.000 prisonniers évadés, il y a 4 mois, 4 prisons «ouvertes» aujourd’hui pour libérer sciemment les prisonniers. A qui la faute? Et qui doit en assumer la responsabilité. «Nous ne nous sommes pas enfuis, on nous a laissé 3 jours sans nourriture et après, on nous a ouvert les portes et on nous a demandé de sortir»… témoigne à la télévision nationale, un prisonnier «enfui».
La vétusté des prisons justifie-t-elle cet état de fait? Et dans ce cas, pourquoi n’avions-nous pas vécu pareille situation auparavant? Pourquoi au cours des années précédentes, on parvenait à maîtriser la situation dans des prisons «délabrées» et comment les gardes pénitentiaires arrivaient à maintenir l’ordre à l’intérieur des prisons, assurant la sécurité en dehors de leurs murs?
Comment avancer aujourd’hui des arguments aussi dénués de sens croyant nous faire avaler la couleuvre de prisons en piteux état?
Monsieur Chaabane ne peut convaincre personne, en tout cas aucun Tunisien sensé, du non fondement des raisons ayant mené aux évasions répétitives de prisonniers de droit commun.
Quelles sont les mains qui tirent les ficelles de tels actes visant la déstabilisation du pays en terrorisant sa population? C’est à cela que l’enquête ordonnée par le ministère de la Justice doit répondre. Un ministère qui aurait dû et depuis belle lurette se pencher sérieusement sur la direction générale des Affaires pénitentiaires et découvrir de quoi il y retourne.
En est-il le seul responsable? Médias, composantes de la société civile, et même partis politiques, ne se sont pas montrés assez curieux pour découvrir ce qui s’est réellement passé en cette semaine du 14 janvier.
A l’époque, les événements se succédaient rapidement laissant peu de place à une réflexion poussée et sereine sur nombre de faits curieux qui ont marqué les mois de décembre, janvier et février.
Il est peut-être temps aujourd’hui de reprendre à froid et sans passion la série des faits qui se sont succédé depuis, afin de comprendre qui s’est réellement passé avec du recul et la tête bien froide.