CHRONIQUE Tunisie – Marchés financiers : Oups! Non ce n’est pas un hôpital psychiatrique… C’est juste une salle de marché

Des hommes vêtus de blouses de différentes couleurs, avec chacun un badge, avec
des numéros et des initiales du genre: AMM 324. Y en a qui font des signes dans
l’air, avec les doigts, on dirait pour compter rapidement. D’autres qui font des
coups de poings… y en a qui crient, y en a qui parlent au petit micro accroché à
leur casque, y en a qui discutent tranquillement, y en a qui discutent de façon
plus musclée… Et ça bouillonne, dans cette espèce de grande salle. Y en a aussi
qui se cachent la tête entre les mains… ou qui se tapent la tête contre le
mur…?! Ils doivent être bien déprimés ceux-là… les pauvres. Ca doit être un
hôpital psychiatrique…?! Ca doit être cela oui… ou alors une tribu sortie du
fond de la jungle, et qui a son propre langage, sa propre organisation sociale,
etc. Intéressant…

Il y a aussi de multiples et de gigantesques écrans, avec des chiffres, des
chiffres qui défilent, plein de chiffres, et de différentes couleurs… Tous les
pensionnaires de cet hôpital regardent en continu ces écrans. Et les
comportements décrits plus haut sont probablement déclenchés par certaines
combinaisons de chiffres qui apparaissent à l’écran… ça les rend fous
manifestement… un instant, 5mn, 10 mn… et puis ça se calme de nouveau et ca
discute, etc. Mais en fait, on ne sait jamais quand est ce que les chiffres «de
la folie» vont réapparaître…

Oups! Non, ce n’est pas un hôpital psychiatrique…! ca s’appelle salle de marché…
c’est la
Bourse en fait, le lieu qui incarne les marchés financiers… et y en a
partout sur la planète, les plus «folles» étant celles des grandes villes… New
York, Tokyo, Paris, etc.

Les marchés financiers, c’est des marchés, c’est-à-dire qu’on y vend et on
achète quelque chose… sauf qu’ici on vend et on achète de l’argent. Voilà une
définition très simple. Mais les marchés financiers c’est peut-être les lieux où
se décide l’avenir des six milliards que nous sommes. C’est un monde dans le
monde. Et c’est le monde des vrais décideurs.

Oui en effet, c’est le monde des vrais décideurs, parce que nous ne sommes plus
dans le
capitalisme ‘traditionnel’ ou industriel, avec des entrepreneurs
directeurs de leurs boîtes. Nous sommes dans l’ère du capitalisme financier,
sauvage, faut-il insister… surtout avec la libéralisation des échanges, ou
disons le mot le plus à la mode: la globalisation… ça fait plus pimpant. La
libéralisation des échanges, ou la dérégulation des marchés, fait que le
capitalisme passe d’industriel à spéculatif. On n’est plus tellement dans la
logique de l’investissement, du recrutement, de l’innovation, etc. mais dans
celle de la spéculation, pour s’enrichir.

Et ce n’est plus le chef d’entreprise qui décide de l’avenir de sa boîte, car en
général, dès qu’elle atteint une certaine taille, l’entreprise est absorbée, ou
«achetée» par des actionnaires, qui n’ont aucun rapport et aucune histoire avec
l’activité de l’entreprise, ou les salariés qui ont fait celle-ci. Mais ce ne
sont pas non plus ces actionnaires qui décident de l’avenir de la boîte, car ces
actionnaires, qui placent leur argent partout, délèguent la gestion de leurs
portefeuilles à des intermédiaires, à des traders. Rentabiliser est la devise de
ces gestionnaires de l’argent, ou du capital. Mais le plus dangereux c’est
vouloir rentabiliser à court terme, à très court terme, et ça s’appelle
spéculation.

Bien normal alors qu’ils soient comme des fous les pauvres, ils doivent
constamment chercher le meilleur placement pour l’argent qu’ils gèrent. Et au
fur et à mesure des fameux chiffres qui apparaissent sur les écrans…
c’est-à-dire du comportement des autres traders, des prix des diverses matières
premières, du pétrole, des données géopolitiques, etc. ils doivent constamment
optimiser les portefeuilles qu’ils gèrent. Ca rend dingue oui…

Tout cela gonfle la valeur des actifs, valeur qui se déconnecte de plus en plus
de la réalité… Qu’importe, puisque croissance il y en a, selon les chiffres,
sacrés chiffres. Croissance dont les fruits tombent aux mains de 20% des
habitants de la planète, qui s’enrichissent de manière fulgurante et se
partagent 80% des richesses. Mais pire, ces bulles de la finance peuvent
exploser du jour au lendemain, puisque gonflées «à bloc» par la spéculation… et
quand elles explosent, qui est-ce qui paye? C’est le petit actionnaire, ou le
petit contribuable.

Autant dire que c’est se taper la tête contre un mur.

Est-on obligé de continuer comme ça? Le règne des marchés financiers et de la
dérégulation, est-il inéluctable? Règne de fabrication de richesses colossales
pour une minorité, tandis que la majorité se serre la ceinture toujours et
encore plus…?

Peut-être pas, de petites expériences d’une nouvelle organisation sociale et
économique, sans argent, existent de par le monde… un système carrément sans
monnaie…

A suivre…