Réaliste et pondéré sans tomber dans un optimisme béat ou une dramatisation excessive. C’est du tout Mustapha Kamel Ennabli, sobre de mots et d’émotions, qui s’est exprimé, jeudi 5 mai au siège de l’IACE, à propos de la situation financière et économique du pays face aux entrepreneurs.
« Nous sommes en situation d’accroissement de la masse monétaire de 3% au terme des 4 premiers mois de l’année. Les volumes de crédits à l’économie ont augmenté de 3,7% comparé à un rythme de 3.9% en 2010. Nous ne sommes pas dans une situation de baisse du concours des banques à l’économie malgré le fait que les dépôts restent stagnants en raison de la baisse des dépôts à terme. (Recul de l’épargne)», a indiqué le gouverneur de la BCT. La Banque centrale a efficacement contribué au financement de l’économie, car elle a fourni aux banques des ressources au fur et à mesure que les besoins se sont fait sentir.
L’inflation a été de 3.1% au premier trimestre 2011, des chiffres assez trompeurs, précise M.Ennabli. « Car à étudier de près les prix à la consommation depuis le mois de décembre et jusqu’au moi d’avril, nous avions une d’inflation nulle presque de zéro ». Les prix à la consommation étaient en baisse eu égard à la contraction de l’économie ce qui a entraîné une baisse des prix en moyenne. En avril, il y a eu un renversement de tendance, qui s’est traduit par une inflation positive. C’est ce que nous pouvons décrire comme un redressement.
Malgré les quelques signes positifs, la situation reste difficile en termes d’équilibres macroéconomiques. Les exportations ont augmenté de 11% et les indices de la relance de la consommation des ménages sont à la hausse, ce qu’on peut voir à travers l’accroissement des crédits aux particuliers et un retour vers le système bancaire.
Reste que pour ce qui est de l’investissement, les signes de reprise sont peu clairs bien que les indices d’un retour de confiance conjugués aux prémices d’une bonne saison agricole sont perceptibles. Le mois d’avril annonce en tout cas un retournement de la conjoncture.
Etablir le bon diagnostic pour trouver les bonnes solutions
Qu’est ce qui explique l’ampleur de la baisse de la production et celle de la demande intérieure?
Pour M.Ennabli, il y a des facteurs directs soit le choc initial. « Un tremblement de terre politique » avec la révolution de janvier et ce qui s’en est suivi comme absence de sécurité, perturbation des activités économiques et ralentissement de la production à cause de l’arrêt de certaines unités de production ou les dégâts qui ont touché nombre d’entreprises ainsi que des perturbations d’ordre social. Le tourisme a pris un coup, ensuite arriva la guerre civile en Libye et la situation fût encore plus aggravée. Les chocs vécus par la Tunisie depuis la révolution ont été amplifiés par une baisse totale de la demande intérieure. Particuliers et entreprises ont observé une attitude attentiste à « cause des incertitudes qui ont commencé à apparaître depuis la révolution, se sont accrus ces derniers mois. Ils ont fait que les agents économiques et les consommateurs sont devenus précautionneux et ont commencé à sursoir leur décision d’investissement ». Des réactions prévisibles en quelque sorte.
Cette situation d’attentisme a causé la baisse du rythme de l’activité économique. Les sources de doutes sont pour leurs parts nombreuses. Un calendrier politique incertain, la possibilité de nouvelles orientations politiques et économiques du pays, de nouveaux dirigeants, la sécurité et les négociations sociales inachevées ne représentent pas forcément des facteurs rassurants.
Lorsque la consommation baisse, cela se répercute automatiquement sur la demande des entreprises qui fléchissent et leurs résultats régressent. Conséquence : une situation financière délicate. Les entreprises ne peuvent pas rembourser leurs dettes à temps, les banques se mettent à attendre et prennent moins de risques. Une attitude attentiste qui amplifie encore le phénomène de contraction économique et financière : « C’est ce qui m’inquiète le plus ». Le choc initial, l’attentisme, les risques de complications au niveau du système bancaire et financier doivent nous inciter à trouver des solutions qui permettent d’éviter de des situations de déclin ou de ralentissement des activités économiques.
Pour Mustapha Kamel Ennabli, il faut réagir positivement à pareille situation.
Tout d’abord en consolidant les exportations car aujourd’hui « nous sommes dans une situation de gestion de la demande ». Mais également en limitant les dégâts et retourner la tendance en matière du tourisme malgré ce qui se passe en Libye. Travailler sur le marché européen et aussi sur le marché algérien « Il y a aujourd’hui une augmentation des dépenses publiques qui se traduit par un plus grand pouvoir d’achat du consommateur algérien »
Le secteur des mines doit reprendre son dynamisme habituel, car les pertes enregistrées ont été importantes et d’un autre côté, attendons-nous à une stimulation de la consommation grâce aux augmentations des salaires. « Toutefois l’essentiel doit se jouer au niveau de l’entreprise qu’il s’agit de préserver pour relancer l’investissement. La politique de relance mise en place par le gouvernement pourrait aider les entreprises à se relever ».
Quant à la BCT, elle continuera à assurer son rôle pour ce qui est de la politique monétaire et des crédits tout comme elle assurera la facilitation des opérations de consolidation et de restructuration des dettes des entreprises. « La circulaire envoyée, il y a deux semaines par la BCT aux banques, est une première car elle est non sectorielle et non préférentielle » précise le gouverneur. Le traitement prévoit le rééchelonnement des dettes pour les entreprises éligibles. Le classement des risques ne change pas pour ne pas bloquer les mécanismes de traitement de la dette.
Que faire pour retrouver la confiance collective ? « Surtout ne pas arriver à un équilibre négatif. Ce qui veut dire, tout le monde se met à attendre et personne ne prend l’initiative » Conséquence, une situation d’anticipation négative, le défi est comment avoir une reprise de confiances pour améliorer ses anticipations et prendre des risques calculés pour être gagnants ensemble dans le même temps et ne pas être tous perdants.