La grêle sème la désolation et l’inquiétude dans les vignes du Bordelais

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Un vendangeur (Photo : Patrick Bernard)

[08/05/2011 11:49:39] BORDEAUX (AFP) De violents orages de grêle se sont abattus ces derniers jours sur une partie du vignoble bordelais, dont les terroirs d’excellence de Sauternes, ravageant les parcelles avant la floraison et semant la désolation chez des viticulteurs inquiets pour leur prochaine récolte.

“Déjà que le marché du vin va mal, c’est un coup dur”, lâche Guy David, copropriétaire de Château Caplane dans le Sauternais. Quatre de ses dix hectares ont été durement touchés et il ne sait pas comment il va faire “à la fin de l’année”.

“Je n’ai pas eu de chance, toute la propriété était dans le couloir de grêle”, explique Anne-Marie Léglise, propriétaire de dix hectares à Bommes et Sauternes, très inquiète pour sa cuvée 2011.

La grêle a frappé le lundi de Pâques dans le Sauternais, le 1er mai dans l’Entre-deux-mers sur les appellations cérons et graves et le 2 mai dans le Blayais et à Camblanes sur l’appellation côtes de bordeaux.

Au total, une soixantaine de viticulteurs ont été diversement affectés.

“Ca n’a duré que dix minutes mais on a reçu 20 millimètres d’eau sous forme de grêle, avec beaucoup de vent, sur une vigne en forte croissance donc très fragile”, rapporte Alex Barrau, directeur de La Tour Blanche, l’une des propriétés les plus touchées.

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une grappe de sauvignon blanc (Photo : Jean Pierre Muller)

Ce grand cru classé sauternes en 1855 estime déjà à 60% la perte de sa récolte.

A quelques encablures, le prestigieux Château d’Yquem a subi “très peu de casse”. Une trentaine des 113 hectares du seul premier grand cru supérieur de sauternes a été grêlée mais pas son “terroir emblématique”, précise son directeur Pierre Lurton. “Le beau temps qui a suivi est favorable à une bonne cicatrisation”, dit-il, “d’ici quinze jours on ne verra plus rien”.

“La grêle est un phénomène climatique extrêmement jaloux, elle passe chez vous et pas chez votre voisin”, explique Cédric Elia, conseiller viticole à la Chambre d’agriculture de la Gironde, soulignant que des viticulteurs s’organisent, à l’aide de diffuseurs d’iodure d’argent, pour réduire la taille des glaçons et donc leurs effets.

Car la grêle laisse derrière elle un paysage de désolation: les rameaux sont cassés, les feuilles déchirées, les grappes encore à l’état de boutons floraux sont arrachées.

Sur l’appellation sauternes, 478 hectares sur 2.100 ont été touchés, l’ODG (Organisme de défense et de gestion) estime la perte à 5.300 hectolitres soit 15% du volume total.

“On avait un végétal en plein développement”, ajoute M. Elia, “on est très en avance cette année du fait des conditions de sécheresse”, dit-il. Selon la gravité des blessures, au mieux la vigne prendra quinze jours à trois semaines de retard sur son cycle normal et on pourra avoir un très bon vin, au pire, elle ne donnera pas de raisin.

“Si le millésime est excellent, on n’aura que nos yeux pour pleurer”, déplore Anne-Marie Léglise.

Ceux qui s’en sortiront sont ceux qui disposent de réserves. “On va faire face grâce aux stocks”, déclare Xavier Planty, propriétaire de Château Guiraud, premier grand cru de sauternes qui estime sa perte à 60.000 bouteilles soit deux millions d’euros.

Pour cette raison, l’ODG sauternes-barsac a demandé l’autorisation de produire au dessus des 25 hectolitres par hectare de rendements autorisés, dans le cadre d’une expérimentation effectuée sur quelques appellations bordelaises et bourguignonnes, mais cela lui a été refusé, a-t-on appris auprès de l’INAO (Institut national de l’origine et de la qualité).

Ainsi, dans les grandes années “les viticulteurs auraient pu mettre 5 à 10% de côté pour éviter des pertes de marché les années plus difficiles”, souligne M. Planty, président de l’ODG. Et “l’impact de la grêle aurait été pratiquement gommé”.