De tous les ouvrages parus jusqu’ici sur la Révolution tunisienne, il est indéniable que celui-ci est, de tous points de vue, le meilleur. Certes, d’autres ouvrages se sont consacrés plutôt à l’économie ou à la politique tunisienne durant les 23 ans du régime déchu jusqu’à la fuite du dictateur, ce qui fait que l’on ne peut comparer l’incomparable. Mais sur la Révolution tunisienne proprement dite, celui-ci reste –et restera toujours– l’unique référence. Son mérite est d’autant plus évident qu’il a été réalisé en un temps plus que record : un mois et demi ; un travail fou en un laps de temps très court.
De format et de présentation éditoriale dignes d’un Beau Livre, «Dégage» est en principe un livre de témoignages sur la période allant du 17 décembre 2010 au 14 janvier 2011.
L’ouvrage s’ouvre sur un petit rappel historique des grandes révoltes qu’a connues le pays: la révolte de Ali Ben Ghedhehom en 1864, l’insurrection des F’rêchiches en 1906, ou encore les héros de la guerre d’indépendance en 1954.
Avant de passer à la chronologie des faits sanglants de la Révolution tunisienne, un petit crochet était justement indispensable sur «la Tunisie oubliée» ou la Tunisie profonde qui, malgré la richesse de son patrimoine, a été négligée sur les plans économique et culturel, le cas des régions du Centre et du Sud du pays plus précisément. Puis, l’entrée dans le vif du sujet. Armé de son appareil photo, se souvenant qu’il était lui aussi journaliste en ce début des années 1980, Mohamed Salah Bettaïeb était sorti dans les rues de Tunis et ailleurs pour filmer les instants torrides de la Révolution. Etalées le long de plusieurs pages, avec un arrêt particulier sur la journée du 14 janvier, ses photos constituent un scénario vivant et une page d’Histoire sur la plus grande révolte qu’ait connue la Tunisie depuis son indépendance.
Au cœur de l’ouvrage, se déroulent sur une infinité de pages des témoignages recueillis auprès d’hommes et de femmes politiques, d’artistes, d’intellectuels, de journalistes, d’enseignants, de citoyens tout courts, de chefs de partis, de Tunisiens résidant à l’étranger, etc.
La fin de l’ouvrage propose un hommage à l’armée nationale, garante de la liberté et de la souveraineté du pays; un retour photographique sur le grand «Dégage», c’est-à-dire la grande manifestation du 14 janvier; encore un hommage aux martyrs tombés sous les balles; une «autopsie d’une information sous haute surveillance», celle qui a prévalu durant 23 ans de totalitarisme; un flash sur la Révolution tunisienne telle que perçue par les médias étrangers ; une reprise de la Déclaration du 7 novembre 1987, ce beau texte qui a blousé tout le monde; et quelques pages sur l’après-14 janvier. Au total, plus de 500 photos et plus d’une centaine de témoignages.
Un grand ouvrage sur lequel reviendront les Tunisiens à tout moment. Pour mémoire, pour l’Histoire, et pour hommage à la mémoire de tous ceux qui ont fait la Révolution tunisienne et l’ont payée de leur vie.
(*) Alif & Editions du Layeur, 238 pages, avril 2011