Kilomètre 39 Dhehiba, nous nous arrêtons pour une petite photo souvenir, sur la borne, histoire de ne pas se mettre martel en tête. Car aux portes des frontières tuniso-libyennes de Dhehiba, le combat entre insurgés et pro-Kadhafi déverse sur notre territoire. Alarmiste!
Pour le topo: depuis quelques jours, des obus mortels, une centaine, ont chuté du côté tunisien des frontières sur les hauteurs de la montagne «Touil Dhiba» et l’oued «Errous». Pas de victimes humaines déplorées. Cependant, à Dhehiba, c’est la panique, par surcroît avec l’afflux des Libyens fuyant leur pays en feu et en flamme, et puis des blessés dont des pro-Kadhafi transférés à l’hôpital de Tataouine. C’est la crise humanitaire.
Triste constat: les organisations nationales et internationales -en dehors du Croissant Rouge- et les autorités végétant, n’en ont cure. Les habitants de la région, sans faire dans l’expectative, puisent dans leurs propres ressources, arrivées à lisière d’ailleurs, afin de gérer au mieux la situation. Ce n’est pas un cri mais un feulement de SOS qu’ils lancent à bon entendeur.
Premier reportage.
Au post de contrôle des frontières tuniso-libyennes de Dhehiba, nous avons, dans un premier temps, cherché à rencontrer les insurgés. Tampon sur le passeport et nous voilà franchir, à pied, la frontière. À vue de nez, le centre d’où les insurgés contrôlent les opérations de leur combat. Premier contact avec le responsable de communication des insurgés, oui parce qu’ils ne font pas les choses à demi mesure. Il nous parle de leur combat pour la liberté de la Libye: «cela fait deux semaines maintenant que les forces de Kadhafi essaient de s’affranchir de cette région, mais nous avons le contrôle total jusqu’au niveau de la montagne d’où ils essaient d’ailleurs, en recourant aux obus, de l’envahir. De la montagne et jusqu’à la zone de Kalaâ, nous autres insurgés avons le contrôle total sauf pour la zone inférieure de la montagne qui demeure aux mains des pro-Kadhafi».
Notre interlocuteur semble optimiste et serein quant à leur combat, ils ont confiance qu’ils finiront par avoir la tête du potentat Kadhafi. Nous nous sommes aussi interrogés au sujet de l’armement de ces troupes. Les méthodes sont de fortune, néanmoins la détermination de passer à trépas, les militants de Kadhafi est on ne peut plus criante. «Les armes que nous possédons proviennent des camps militaires de Kadhafi et parfois à l’issue des affrontements, lorsque les pros délaissant leurs armes et moyens en fuyant. Les prochains jours nous allons essayer d’envahir Tripoli et nous ferons tout pour le libérer», confie l’insurgé.
Afin de mieux comprendre pourquoi les forces de Kadhafi marchent ainsi sur la tête, nous sommes partis à quelques mètres du pied de la montagne, les militaires nous expliquent qu’ils cherchent à se tailler une voie pour affronter les insurgés à partir du sol tunisien.
Et puis, aux rebords du post frontalier, un troupeau de moutons et de chèvres traverse la frontière sans avoir à présenter de passeport ou de laisser passer: étonnant tableau. C’est de la contrebande. Depuis les affrontements, Dhehiba est devenue par la même une scène incontournable de contrebande de bétail. D’accord, il faut bien que la roue économique entre la Tunisie et la Libye tourne, quitte à recourir aux moyens détournés et illégaux. Car, rendez-vous compte, les échanges commerciaux tuniso-libyens ont pris un sacré coup depuis le déclenchement de la révolution libyenne. Un habitant de Tataouine, technicien télécom, nous affirme que le commerce aux frontières de Ben Guerden a, quant à lui, presque repris un cours normal. Sinon, et hormis la contrebande, quelques semi-remorques transportant des marchandises ont croisé notre route en direction de la Libye.
Nous quittons Dhehiba sur fond de chute des obus, les militaires et agents de la douane tunisienne en rigolent presque, ils ont pris l’habitude et ils s’amusent à les mater.
A Tataouine, nous rencontrons quelques Libyens ayant fui leur terre, plusieurs familles logent dans un hôtel ayant été loué pour un mois par un Libyen résident à l’étranger au prix de 52 mille dinars. Les membres du Croissant Rouge, dont quatre médecins libyens et huit tunisiens faisant face à 150 cas par jour, déplorent un manque de moyens notamment des tables d’examen, des pèse-bébé, des pèse-personne matériel d’urgence, un ophtalmoscope, des ambulances et des moyens de transports pour les bénévoles. Dire que les organisations et les autorités du gouvernement dorment tranquillement pendant ce temps là. Pas même un officiel du ministère ne s’est donné la peine de se déplacer à Dhehiba et Tataouine. Posture stoïque confirmée !
Et à nous de dire: aux larmes, citoyens!
A suivre …