Ce n’est pas un phénomène récent. C’est vrai que la grève des agents de la
municipalité a aggravé les choses ces derniers jours, mais même avant, nos rues
étaient franchement plutôt sales. A quelques exceptions près, de quelques
quartiers, dits chics, que ce soit à la capitale, du côté de la zone touristique
de Hammamet ou de Sousse, et encore…
La saleté des rues, c’est pratiquement la première chose qui saute aux yeux de
quelqu’un qui viendrait de Paris ou de Londres se promener chez nous. Même les
emplacements et les conteneurs de la poubelle ne sont jamais, ou presque,
respectés, il y a de la poubelle dedans, dessus, à côté, etc. Pire encore, la
poubelle est souvent mise à même un sceau, et déversée à côté, ou au mieux, dans
ces conteneurs de la municipalité.
Quid alors de l’odeur qui se dégage, des chats qui vont et viennent, et je ne
vous en dirais pas plus? Vous avez certainement connu ces scènes, si vous vivez
en Tunisie. Vous vous en êtes peut-être même habitués, et c’est la pire des
choses qui puissent nous arriver. S’habituer à la médiocrité.
Comment ça se fait que nos maisons soient propres, et nos rues sales? Pourquoi
est-ce que nous prenons soin d’aller jeter le pot de yoghourt vide dans la
poubelle, et pas sur le tapis au salon, alors qu’en voiture, on va le jeter
par-dessus la vitre? Ca me crève le cœur.
C’est tout simple, la rue c’est l’autre. C’est pas le chez soi. Quand les gens
s’approprient la rue, elle devient leur chez soi aussi, ils vont en prendre
soin, la laisser propre, et même la rendre esthétique. Et c’est pourquoi les
rues à Paris sont si propres, si belles, si esthétiques. Et que l’on a presque
honte, si on est tenté par ces vieux reflexes, d’éteindre sa cigarette dans un
bac à fleurs.
Et la rue devient un chez soi quand le sentiment citoyen est suffisamment fort,
et fédérateur, c’est-à-dire qu’il réunit et unit la majorité des gens. C’est
exactement ce qui es arrivé après le 14 janvier, rappelez vous des jeunes et
moins jeunes qui sont descendus dans la rue pour nettoyer. Quel magnifique
spectacle était-ce!
Est-ce que ce sentiment citoyen était juste temporaire? J’espère que non. La
révolution a fait descendre une bonne partie des Tunisiens dans la rue. Et je ne
peux pas penser qu’une personne qui est descendue dans la rue manifester pour un
bien-être collectif, pour une cause collective, puisse salir cette même rue, y
jeter le mégot de sa cigarette. Ou peut-être que oui?! Des vieux reflexes?!
Possible. Il nous faut alors en prendre conscience. Ces rues sont les nôtres.
Elles sont sacrées parce qu’elles représentent notre pays. Un pays trois fois
millénaire et ce n’est pas rien. Je doute que pendant l’époque Romaine, ou
Carthaginoise, les rues étaient si sales…
Déclin civilisationnel?! Peut-être… mais je vois l’avenir en rose, grâce à cette
révolution. Elle nous a donné ce dont on a le plus besoin, le sentiment citoyen,
le sentiment d’être tous dans le même bateau.