à Washington (Photo : Mandel Ngan) |
[15/05/2011 16:12:51] WASHINGTON (AFP) Tout semblait réussir à Dominique Strauss-Kahn depuis trois ans et demi qu’il a pris la tête du Fonds monétaire international, jusqu’au scandale qui devrait ternir définitivement son bilan.
M. Strauss-Kahn, 62 ans, a été inculpé dimanche à New York d’agression sexuelle et tentative de viol, des faits qu’il nie selon son avocat.
Ces faits l’exposent potentiellement à une procédure disciplinaire et un licenciement. La gestion de son cas reste incertaine : les statuts du FMI ne prévoient pas le cas où l’un de ses dirigeants serait mis en cause et clamerait son innocence.
“Le FMI reste pleinement fonctionnel et opérationnel”, a indiqué l’institution dans un communiqué, montrant qu’elle comptait se passer de son patron pour le moment, même si son mandat de cinq ans court jusqu’en octobre 2012.
Un porte-parole des pays de la zone euro a indiqué que l’institution serait représentée à une réunion des ministres des Finances à Bruxelles lundi à laquelle M. Strauss-Kahn avait prévu de se rendre.
“C’est évidemment une situation peu commode. Mais c’est beaucoup plus une tragédie pour M. Strauss-Kahn que pour le FMI”, explique à l’AFP Edwin Truman, un économiste qui a conseillé le Trésor américain sur le FMI dans les premiers mois de la présidence de Barack Obama en 2009.
“Il a fait beaucoup pour le Fonds, mais le Fonds ce n’est pas qu’une seule personne”, juge-t-il.
M. Strauss-Kahn a un premier adjoint prêt à prendre les commandes, l’Américain John Lipsky. Celui-ci a un mandat qui s’achève fin août et il a annoncé jeudi qu’il n’en briguerait pas de second.
D’après Eswar Prasad, économiste qui travailla au FMI de 1990 à 2006, la conjonction du départ de M. Lipsky et des ennuis judiciaires de M. Strauss-Kahn tombe particulièrement mal.
“La fin honteuse de DSK arrive précisément au moment le pire pour l’Europe”, écrit-il. “La lutte pour les postes de direction a déjà commencé en catimini et va maintenant s’intensifier.”
Comme la plupart des économistes, il dresse un bilan flatteur de l’action de l’ancien ministre des Finances français : “malgré tous ses défauts, Strauss-Kahn a été un militant solide et efficace pour le FMI. Il a saisi l’occasion offerte par la crise d’augmenter la base de ressources du Fonds et d’améliorer son organisation et sa répartition des pouvoirs.”
M. Strauss-Kahn fait pratiquement l’unanimité à Washington. Sa décontraction, sa vivacité d’esprit, sa curiosité intellectuelle, ses compétences d’économiste et ses talents de négociateur ont fait mouche dès son arrivée à l’automne 2007.
Relativement discret dans la capitale américaine où il a acheté une maison, il y a une réputation de travailleur. Ses ambitions politiques supposées en France étaient gérées avec assez de tact pour que jusqu’au dernier moment, le tout-Washington se demande s’il allait rester ou regagner Paris pour la course à l’Elysée.
Il s’est même fait pardonner un faux pas généralement très mal accueilli dans un pays peu clément envers les écarts dans la vie privée, une relation extraconjugale qu’il a immédiatement admise et que sa femme Anne Sinclair lui a publiquement pardonnée.
C’est après cette affaire, révélée dans la presse et réglée par le FMI en l’espace d’un week-end en octobre 2008, que M. Strauss-Kahn a donné sa pleine mesure.
La crise financière et économique mondiale l’a propulsé sur le devant de la scène internationale. Des Etats membres demandaient au FMI son aide les uns après les autres: Islande, Ukraine, Pakistan, Grèce, Irlande, Portugal…
M. Strauss-Kahn, dont la cote ne cessait de grimper dans les sondages d’opinion en France, défendait alors avec conviction son rôle de “médecin” pour les économies malades.
Dimanche, le pays le plus en difficulté parmi ceux auxquels le FMI a accordé un prêt, la Grèce, a indiqué par la voix d’un porte-parole du gouvernement qu’Athènes allait continuer “sans problème l’application du programme de redressement de l’économie” décidé avec l’institution.