Le sort de l’alliance entre BP et Rosneft sur l’Arctique en suspens

photo_1305535611632-1-1.jpg
à Londres, le 14 janvier 2011 (Photo : Leon Neal)

[16/05/2011 08:48:21] MOSCOU (AFP) Les géants pétroliers Rosneft et BP menaient d’ultimes négociations lundi, date limite fixée pour concrétiser, malgré un imbroglio juridique, leur alliance stratégique en vue d’exploiter des réserves gigantesques d’hydrocarbures dans l’Arctique.

Le dernier mot semble revenir à Rosneft depuis que le tribunal d’arbitrage de Stockholm a le 6 mai conditionné la réalisation de cet accord sans précédent à la participation de la coentreprise de BP en Russie, TNK-BP.

Alors que le groupe britannique s’est montré globalement satisfait de cette décision, l’entreprise russe est pour sa part restée muette, laissant planer le doute sur l’avenir de l’alliance.

Mais selon des sources proches du dossier citées par le Wall Street Journal dimanche, BP serait en discussion avec ses partenaires russes, un groupe de milliardaires regroupés dans le consortium Alfa-Access-Renova (AAR), pour racheter leur part de 50% dans TNK-BP. Cette part serait ensuite transmise, à l’issue d’une série de transactions, à Rosneft.

En échange, AAR recevrait du cash et un intérêt substantiel à la fois dans BP et Rosneft, selon le quotidien financier, qui estime la transaction à au moins 30 milliards de dollars.

Cette entente avait été annoncée en grande pompe à la mi-janvier par les dirigeants des deux groupes. Elle devait permettre à BP de rebondir après le désastre l’an dernier de la marée noire dans le golfe du Mexique, et à Rosneft de donner un sérieux coup d’accélérateur à ses ambitions d’expansion internationale.

Estimée à 16 milliards de dollars, elle prévoyait deux volets : un échange de participations croisées entre BP et Rosneft (devant donner au russe 5% du capital de BP, et au britannique 9,5% de Rosneft), assorti d’un accord prévoyant l’exploration en commun d’une gigantesque zone sous-marine riche en hydrocarbures située au coeur de l’Arctique russe.

Mais c’était sans compter sur l’opiniâtreté des partenaires russes de BP dans TNK-BP, qui se sont aussitôt estimés lésés dans l’opération.

Peu après l’annonce de l’accord, AAR a fait savoir qu’il s’y opposait et saisi la justice, arguant qu’il violait le pacte d’actionnaires de l’entreprise commune : celui-ci prévoyait que le groupe britannique réaliserait tous ses projets en Russie et en Ukraine via TNK-BP.

Mi-avril, plusieurs médias avaient affirmé que pour résoudre le litige, BP aurait fait une offre de 27 milliards de dollars aux membres du consortium. Celle-ci aurait été refusée, AAR évaluant sa part à 40 milliards de dollars.

Créée en 2003, TNK-BP est un actif de choix: troisième plus gros producteur de pétrole en Russie, il représente environ un quart de la production mondiale de BP.

Selon certains experts, le consortium pourrait se résoudre à vendre sa part pour éviter des tensions à l’avenir avec BP et le groupe public Rosneft.

D’autres tablent sur un nouveau report de la date-limite pour réaliser l’échange de participations.

“Je pense qu’après un nouveau report, cet accord sera conclu car il est avantageux pour les deux groupes et est politiquement avantageux pour la Russie”, a estimé l’analyste Mikhaïl Molodov (Maxwell Capital Management) sur la chaîne russe RBK.

Le patron de BP, Bob Dudley, joue gros dans cette affaire. Si l’alliance avec Rosneft venait à tomber complètement à l’eau, ce serait un échec personnel cinglant pour l’Américain, d’autant qu’il était censé connaître parfaitement les arcanes russes, pour avoir dirigé pendant des années TNK-BP.