Le prix Nobel de l’Economie (2001), Joseph Stiglitz, Jean Louis Reiffers et Olivier Pastré, respectivement Professeurs à l’Université du Sud et l’Université Paris 8, étaient à Tunis pour lancer un appel vibrant au G8 pour soutenir le pays dont la révolution non-violente «pourrait remodeler complètement l’avenir de la zone MENA, mais aussi de l’ensemble de la zone méditerranéenne et de l’Europe».
Pour lancer cet appel, ils n’ont pas été les seuls, 19 autres économistes et experts non moins prestigieux se sont associés à eux parmi lesquels figurent Christian du Boisssieu, Philippe Aghion de Harvard University, Jacques Attali, Toshio Koike de Tokyo University et Wolfgang Koenig de Goethe Universität de Frankfurt. Une initiative qui représente un signe évident de la foi du monde dans la révolution tunisienne et l’espoir de la voir aboutir à une véritable transition démocratique et une économie remodelée, plus humaine et moins corrompue.
«Nous avons la responsabilité collective de faire en sorte que cette transition réussisse et de prouver que la coopération économique est la meilleure barrière contre les extrémismes», ont-ils indiqué dans leur appel au G8. «Dans toutes les périodes postrévolutionnaires, l’économie fléchit mais si l’on réagit bien, si l’on met et l’on trouve les moyens, si l’on réagit comme il faut, elle récupère aussi vite qu’elle a perdu du terrain», a indiqué Joseph Stiglitz lors d’un point presse organisé au Premier ministère mardi 17 mai 2011 en présence de Mustapha Kamel Nabli, gouverneur de la BCT.
Le succès de la révolution tunisienne relève de la responsabilité de tous car une mauvaise coordination des actions est trop risquée et le monde ne doit pas attendre que la Tunisie ait achevé sa transition pour l’aider. L’Europe est d’ailleurs dans cette posture, confirme Jean Louis Reiffers. D’où l’importance d’agir. La Tunisie a besoin d’une aide et tout de suite: «Elle a besoin d’assistance internationale afin d’éviter la phase de décroissance initiale que son économie et sa société ne peuvent pas se permettre. La révolution n’a certes pas de prix mais elle a un coût. La croissance économique pour 2011 devrait passer en dessous de 1% et les émeutes ont déjà coûté 2 milliards de $ à l’économie, ce qui équivaut à 4% du PIB».
Vingt-cinq milliards de $ pour reconstruire la Tunisie, soit 2/3 de la reconstruction allemande
25 milliards de $ pour aider la Tunisie à reconstruire son économie et réussir sa transition démocratique. 25 milliards de $, pas dans 6 mois ou une année mais tout de suite. C’est sur cela qu’insistent les éminents signataires de l’appel adressé au G8. «Les marchés à l’international devraient s’ouvrir plus à la Tunisie pour stimuler ses exportations», a déclaré Joseph Stiglitz qui a souligné l’importance de la participation de la société civile non seulement au débat politique mais aussi à l’action sur le terrain économique.
«La communauté internationale doit s’impliquer pour changer le modèle même du système économique libéral en Tunisie en le rendant plus humain; aujourd’hui, il faut que la Tunisie passe d’un capitalisme captateur inégal à un capitalisme démocratique. Les produits de consommation de base ne doivent plus subir d’augmentations brutales, car elles peuvent être ingérables pour la population», a indiqué Jean-Louis Reiffers. Un point éminemment important est celui de l’emploi des jeunes qui invite à travailler plus sur le système éducatif et tout aussi bien sur le système bancaire. Les banques devraient, en effet, devenir plus souples et encourager les jeunes promoteurs en finançant des start-up ou des projets en informatiques.
Pour rassurer les investisseurs, la bonne gouvernance représente un atout important car la corruption était systématisée dans un pays qui donnait des signes d’une économie prospère, alors qu’en réalité elle était minée de l’intérieur à cause du manque de transparence et des «pots de vin». «Désormais, les marchés publics doivent être plus transparents»…
Il a fallu 700 milliards de $ pour reconstruire l’Allemagne après la chute du Mur de Berlin, 70 milliards de $ sur 5 ans pour aider la Pologne à mettre sur pied une économie solide qui puisse lui permettre de s’intégrer à l’économie européenne. Pour la Tunisie, la liste des 21 a sollicité 25 milliards sur 5 à 10 ans.
Le succès de la transition démocratique de la Tunisie représente un enjeu important pour la communauté internationale, le programme de développement mis en place par le gouvernement tunisien est important et il nécessite un investissement de l’ordre de 24 milliards de $ sur 5 ans. « La petite taille de la Tunisie est en fait un parfait laboratoire de la démocratie. Elle nous offre l’occasion unique de prouver que la démocratie peut suivre un développement harmonieux dans la région. Le coût d’un tel laboratoire, le coût du Plan que nous préconisons, n’est que de 2 à 3% du coût de la réunification allemande et inférieur au coût d’un à deux mois de la guerre en Irak».
Le gouvernement tunisien réactif, aussi transitoire soit-il, a déjà mis au point un programme de développement économique comprenant des projets concrets. «Il est plus aisé de financer des projets concrets que des PME… Il faut toutefois que les fonds pour soutenir l’économie tunisienne soient débloqués à temps sans trop attendre. La communauté internationale doit anticiper les évolutions avec un gouvernement qui est tout à fait dans la ligne d’une démocratisation», a affirmé Olivier Pastré.
La révolution tunisienne, qui a pris de cours «tous les analystes et toutes les prédictions», a inspiré d’autres révolutions dans la région MENA. Elle a impressionné des pays occidentaux qui ne croyaient pas en la capacité des populations arabes à se soulever. Pacifique et déterminée, elle a suscité l’admiration de larges pans de l’intelligentia et des peuples partout dans le monde. Aujourd’hui, «la révolution tunisienne est l’objet d’études à l’Université de Columbia». Déjà…
«De nombreux pays de la région ont toute leur attention focalisée sur la Tunisie et un échec de sa transition démocratique serait une victoire pour toutes les dictatures et une sévère défaite pour la démocratie».
Maintenant, il faut qu’il y ait un bon pilote dans l’avion pour conduire la Tunisie vers la rive du Salut; il faut également que l’équipage soit motivé, déterminé et surtout patriote.