Grèce : la zone euro se résigne lentement à une restructuration de dette

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ège de la Banque de Grèce à Athènes (Photo : Aris Messinis)

[20/05/2011 09:59:05] BRUXELLES (AFP) Comme jadis en Amérique latine, le tabou de la restructuration de la dette est en train de tomber en zone euro, ce scénario étant désormais ouvertement envisagé en Grèce sous une forme limitée en dépit des fortes divisions qu’elle suscite.

Après l’avoir catégoriquement exclue pendant des mois, plusieurs responsables européens sont sortis du bois cette semaine pour évoquer l’impensable. Le chef de file des ministres des Finances de l’Union monétaire, Jean-Claude Juncker, l’a qualifiée de “restructuration douce” passant par une forme de rééchelonnement.

Ce n’est plus en Argentine ou au Mexique que la question se pose mais dans la zone euro, pourtant l’une des régions les plus opulentes de la planète.

Pourquoi le vent a-t-il tourné pour la Grèce?

Le pays, malgré un gros effort de réduction de déficit l’an dernier, reste en situation budgétaire critique. Son déficit public 2010 a été revu en hausse à 10,5% du PIB, ce qui l’oblige à partir de plus loin pour assainir ses comptes. Dans le même temps, la récession économique est plus forte qu’attendu, du coup les impôts ne rentrent pas suffisamment dans les caisses de l’Etat.

Au final, la Grèce ne pourra retourner comme prévu sur les marchés en 2012 pour emprunter près de 30 milliards d’euros afin de refinancer sa dette.

La sortie du pays de l’Union monétaire n’étant une option pour personne, car elle appauvrirait terriblement la Grèce et menacerait la zone euro toute entière, l’idée de donner plus de temps au pays pour rembourser fait son chemin.

Une restructuration radicale de la dette, qui verrait la Grèce renoncer à en payer une partie, est pour le moment exclue officiellement, même si les marchés sont persuadés qu’il n’y aura à terme d’autre issue: la dette atteint 150% de la richesse nationale.

Les Européens songent plutôt à un “reprofilage” des emprunts contractés auprès des créanciers publics et privés.

Les échéances de remboursement seraient repoussées, dans le cadre d’un arrangement négocié avec les créanciers pour éviter un défaut de paiement créant la panique. Avec sans doute en complément de nouveaux prêts européens et du FMI, en plus des 110 milliards d’euros promis l’an dernier.

Une autre option, voisine, serait que les banques créancières acceptent de renouveler leurs lignes de crédit au terme des échéances en cours. Cette solution a été utilisée déjà dans certains pays d’Europe de l’Est lors du pic de la crise financière mondiale.

Quel serait l’intérêt des banques privées? “Si l’alternative est de perdre leur mise au bout du compte parce que la Grèce n’aura pas les moyens de rembourser, elles n’auront pas d’autre choix”, parie Ferdinand Fichtner, économiste de l’institut allemand DIW.

Pour en arriver là toutefois, la Grèce va devoir redoubler d’efforts pour assainir son budget malgré la colère de la rue et un contexte social dégradé par une profonde récession. Ses partenaires exigent plus de privatisations, et vite.

Il reste surtout à vaincre l’opposition de la Banque centrale européenne à toute idée de restructuration, dure ou douce, susceptible selon elle de faire paniquer les marchés et de créer un dangereux précédent. La France, en porte-à-faux avec l’Allemagne sur le sujet, est aussi très réticente.

Ces clivages se retrouvent dans les négociations difficiles en cours entre Européens sur les contours de leur futur Fonds de secours, le Mécanisme européen de stabilité financière (MES), appelé à fonctionner mi-2013.

Berlin insiste pour que les banques participent sur une base volontaire à des plans de restructuration en cas de grave crise de la dette, mais doit batailler avec la plupart de ses partenaires et surtout la BCE, opposée à inscrire cela dans le marbre.