C’est aussi excitant de rester figé devant un écran, à écrire des choses…? Ma
mère trouve toujours cela absurde, ça lui donne des crampes et lui fait mal aux
yeux de rester assise sans bouger devant un écran; elle préfère de loin une
bonne discussion conviviale autour d’un bon café, et avec des gens qu’on
connaît… Qu’est-ce que c’est que cette absurdité de discuter avec des gens qu’on
ne connaît pas…? Comment opèrent les réseaux sociaux? Y a-t-il une logique
FB?
Qu’est-ce qui fait la particularité et donc le succès, pour le moins phénoménal,
de la communication virtuelle?
Le mystérieux phénomène FB ….
Il ne s’agit pas juste de réseau social, sur lequel on partage des vidéos et des
blagues, dire “j’aime“ ou “j’aime plus“. Le phénomène est beaucoup plus profond
et lourd de sens.
FB, c’est la possibilité de tout diffuser, et de tout savoir. La nouvelle forme
de langage simplifié, inventée par les réseaux sociaux, offre des opportunités
immenses, en termes de communication, et d’intelligence collective. Ca on en a
déjà parlé.
Mais plus encore, cette nouvelle forme de langage, et de lien social plus
généralement, donne l’extraordinaire possibilité de gérer son image et son
identité, derrière le mur du virtuel. Et ça, c’est encore plus important
peut-être. Car, le «je» peut agir en toute liberté, une liberté qui était
toujours socialement restreinte, dans le cadre de la communication
traditionnelle.
La communication virtuelle et le langage simple inventé par FB ou Twitter nous
sortent, et nous libèrent quelque part, de tous les poids culturels, sociaux
voire politiques, qui, traditionnellement organisent et régulent toutes les
sociétés humaines.
Dans le monde réel, le «je» agit et pense dans le cadre d’un ensemble de normes,
de valeurs et de règles tacites, le «je» fait partie d’un groupe social, porte
et subit son identité, et régule ainsi son discours, sa communication, d’une
certaine manière.
Dans le monde virtuel, le «je» jouit d’une liberté sans égal, il a la
possibilité de façonner son image, mettre ce qu’il veut dans la photo de profil,
la date de naissance (et donc l’âge) qu’il veut, la ville natale qu’il veut,
etc. Bref, «je» deviens qui je veux, et une infinité de possibilités s’offrent à
moi.
La révolution: processus…
Cette possibilité crée une nouvelle liberté d’expression, précisément une
attitude… de liberté. Et c’est cette nouvelle culture, de la liberté
d’expression, qui explique, peut-être, que le peuple d’Internet n’ait pas eu
peur du régime policier de Ben Ali, s’y est opposé aussi ouvertement et en si
grand nombre.
FB a été moteur, d’une conscience politique, chez la classe qu’on croyait la
plus éloignée de la politique: les jeunes.
D’abord, les jeunes dits “défavorisés“, et qui vont se connecter une heure ou
deux, avec le 1d qu’ils ont comme seul argent de poche de la journée, et les 4
cigarettes (de la journée aussi) posées sur la table, dans des publinet(s), un
peu partout dans les quartiers pauvres de la capitale ou des régions de
l’intérieur.
Ensuite, les jeunes dits “favorisés“, c’est-à-dire qui se baladent avec leurs
Iphone et Ipad, et qui se connectent sur les terrasses de café chics, en
attendant que papa leur trouve un job bien payé dans l’entreprise de tel ami.
Si intelligence collective il y a, c’est bien celle qui a réuni ces deux franges
de jeunes, à la base très éloignées l’une de l’autre. C’est exactement le
principe des pages FB qui naissent et prolifèrent comme des champignons, qui
rencontrent un succès phénoménal en quelques jours, ou qui stagnent et
n’arrivent pas à réunir des fans autour d’elles. «Rajhi» pour ou contre, dernier
exemple en date…
Le même processus a été valable, et a opéré, pour les autres classes sociales et
socioprofessionnelles. Elles étaient moins présentes sur FB, mais elles s’y sont
mises en voyant que c’est le lieu où il faut être. Le nouveau salon de thé à la
mode.
Un autre facteur de taille, l’ouverture du citoyen lambda sur tous les médias ou
presque, du monde, grâce à la télévision par satellite. A force de regarder la
télévision française (vue la proximité de la langue), Al Jazeera ou Al Arabia,
une conscience politique et surtout critique a fini par se former chez tout un
chacun, avec tous les travers de la partialité de certains de ces médias.
…
Finalement, FB est un support, un outil. On y met ce qu’on veut. Ca peut être le
vecteur de l’exhibitionnisme nouveau, de la vie privée publique, comme ça peut
être le bureau de l’état major d’une armée d’insurgés. Encore une fois, le
meilleur comme le pire.
Du fait de cette révolution technologique de la communication, nous assistons,
et allons inéluctablement assister encore plus, à des changements radicaux,
d’ordre social et culturel d’abord, mais aussi d’ordre politique, économique et
même philosophique. Toute la civilisation humaine est en passe de changer de
visage pendant ce millénaire, grâce à (ou à cause de…) cette révolution
technologique.
L’être humain est un animal social… ça on le sait, seulement il ne faut pas
croire que c’est l’ère de l’individu roi, loin de là. Certaines formes de
socialisation sont délaissées, mais d’autres apparaissent avec force. La
politique remplace le foot, Internet remplace la famille, etc.
Qui ne vérifie pas toutes les 15 minutes l’écran de son téléphone? Qui ne
panique pas quand «l’Internet baisse»?… L’être humain du troisième millénaire…
un être de connexion…?!