Dans une conférence de presse, improvisée à la hâte, dimanche 22 mai 2011, à 16h, au siège du Conseil Economique et Social, Mohammed Kamel Jendoubi, président de la Haute Instance Indépendante pour les élections, a annoncé aux journalistes et aux représentants de la société civile l’impossibilité d’honorer la date du 24 juillet 2011, objet d’un consensus entre le gouvernement provisoire et les partis politiques et proposé le report du scrutin au 16 octobre 2011. Afin, dit-il, d’éviter les faux pas, fatales en ces temps troubles, d’accomplir cette mission historique dans des conditions démocratiques fiables, de garantir la crédibilité de la consultation, d’incruster le multipartisme dans les traditions politiques du pays, de réunir les moyens logistiques, humains et financiers à même de mener à bien la gestion du corps électoral, de lancer efficacement les campagnes de sensibilisation et d’actualiser les données démographiques liées aux listes des électeurs.
«En dépit de la bonne volonté de Béji Caid Essebsi, chef du gouvernement provisoire pour assurer à l’Instance supérieure indépendante pour les élections un climat de travail adéquat, les membres de la Commission, devant l’immensité de la tâche à accomplir sur l’ensemble du territoire national, ont préféré, après trois jours d’intenses délibérations, disposer du temps nécessaire pour mener à bon port une échéance électorale, censée rompre avec un ordre politique, fondé, deux décennies durant, sur la forfaiture, l’usurpation et la rouerie», déclare Boubakr Ben Thabet, secrétaire général de l’Instance supérieure des élections, pour qui la revitalisation de 26 délégations régionales, la mise en place de 7.000 bureaux de vote, l’actualisation des listes électorales, la formation d’un personnel rôdé à ce type de consultation, les achats liés au bon déroulement du scrutin et l’aménagement des centres d’inscription sont des tâches colossales, ardues dans un contexte politique de plus en plus fragilisé.
A la fin de la conférence de presse, le débat était houleux. L’angoisse perceptible. L’émotion pesante. Le pays vit des moments fatidiques, nous dit un confrère, visiblement hors de lui face à l’éventualité du report. Pour lui, la difficulté doit attirer l’homme de caractère. C’est Kamel Jendoubi qui a reçu le grand nombre de volées de bois vert. Si certains membres de l’assistance ont exprimé leur adhésion aux thèses des membres de l’Instance Supérieure Indépendante pour les élections, les représentants des partis politiques du PDP, d’Ennahdha et du mouvement Ettajdid ont regretté la décision de la Commission, qui s’est engagée, d’après eux, après son élection dans l’enceinte du Haut Comité pour la Sauvegarde des Objectifs de la Révolution, la Réforme Politique et la Transition Démocratique, à accomplir sa mission en dépit de toutes les difficultés et les turpitudes de la vie politique nationale.
D’après certains observateurs nationaux et internationaux, l’ensemble du processus politique lié à l’émergence d’un nouvel ordre dans le pays a été mal emmanché dès le début. Les Tunisiens, affirment des constitutionnalistes, ont choisi la rupture à travers le choix de la Constituante. Sans pour autant disposer de l’expérience, de la chaîne logistique et des atouts nécessaires pour la réalisation d’un positionnement aussi tranchant.
L’aveu d’impuissance de la Haute Instance Supérieure pour les élections témoigne, nous dit un membre éminent de la société civile tunisienne, d’une cécité politique et d’un amateurisme flagrant. Au lieu de retrousser leurs manches, ils ont paniqué et abdiqué avant même de commencer leur travail.