Les médias sont un secteur longtemps «abandonné» par la réforme. Une réalité qui
se vérifie au quotidien au niveau de son rendu. Les
médias tunisiens
naviguent
quasiment à vue. Alors qu’un média est par essence une structure qui s’organise
et s’interroge sur son vécu en permanence. Pour s’adapter à un contexte en
perpétuelle mutation puisque devant être en harmonie avec les goûts et attentes
du consommateur.
«Je leur souhaite bien du courage». La réflexion est d’un enseignant
universitaire spécialisé en communication. Elle intervient lorsqu’il apprend, en
février dernier, la création d’une Instance nationale pour la réforme de
l’information et de la communication. Et ce tant la tâche de cette instance,
chargée de proposer des solutions à la mise à niveau du secteur de l’information
et de la communication, n’est pas de tout repos.
En fait, c’est à un secteur «abandonné» par la réforme que cette instance
s’attaque depuis sa création. «Que ce soit au niveau de la réglementation, de
l’organisation, du renouvellement des équipements, de la formation ou encore de
l’innovation, le secteur a rarement épousé son temps», note notre interlocuteur.
Consacrer une pratique conforme aux standards internationaux
Faut-t-il revenir sur l’organisation et de la réglementation du marché du
marché? Même si des structures se mettent en place comme le récent Syndicat
Tunisien des Dirigeants des Médias (STDM), tout reste à faire pour assurer la
promotion du secteur. Il faudra, nous ne cesserons de le rappeler, des
associations regroupant les annonceurs, des structures plus crédibles en matière
d’études du marché de la presse, de mesure d’audience ou encore de justification
de la diffusion. Et des structures –ou une seule structure- de régulation aussi
bien pour la presse écrite que pour l’audiovisuel.
Côté réglementation, la tâche n’est pas moins ardue. Révision du Code de la
presse, promulgation d’une loi sur la liberté audiovisuelle. Il faudra
reconnaître un statut de la presse en ligne; mettre en place des garde-fous pour
une gestion saine des contenus comme un arsenal déontologique: codes, chartes.
Les logiciels des métiers de l’information et de la communication dans tous les
pays démocratiques sont pratiquement les mêmes, même si des adaptations sont
souvent nécessaires selon les contextes.
Plus important, sans doute, de ce qui précède: consacrer une pratique des
métiers du journalisme et de la communication conforme aux standards
internationaux.
D’abord, en bannissant certaines pratiques qui se doivent de disparaître. Comme
le peu d’égard manifesté dans certaines rédactions pour les journalistes. Dans
certaines rédactions, le gros des troupes est fait de pigistes.
Le nombre de journalistes à plein temps dans certaines rédactions est dérisoire.
Des organes de presse à parution non quotidienne fonctionnent avec deux ou trois
plein temps. Dans un quotidien, le service «Enquêtes et reportages» comporte
trois journalistes.
Point d’organigramme, ni de fiche de fonction
Outre le nombre, la qualité des recrues n’est pas toujours de mise. Le recours à
des non diplômés d’institutions spécialisées, comme l’Institut de presse et des
sciences de l’information (IPSI) de Tunis, est, dans certaines rédactions, la
règle. Des patrons reprocheraient aux diplômés de l’IPSI une absence ou manque
de maîtrise de la langue, une formation inadaptée au vécu du journalisme
tunisien,.. .
«L’heure est venue de tout déballer, souligne un journaliste. Quitte à revoir
les cursus des formations de base et continue » Les médias se doivent,
toutefois, de s’impliquer d’avantage: «Rares sont les médias qui encadrent les
nouvelles recrues et qui disposent de service de formation. Les étudiant de l’IPSI,
qui viennent en stage, sont rarement l’objet d’intérêt; si l’on excepte les
médias publics», ajoute-t-il.
En fait, les médias fonctionnent comme s’ils n’étaient pas des organisations
encore moins des entreprises. Point d’organigramme, ni de fiche de fonction qui
permettent de voir bien clair. Beaucoup de journaux, sinon la quasi-majorité,
sont nés, du reste, de la volonté d’un seul homme qui a rassemblé, dans la
douleur, la quasi-totalité du capital et quelques amis et proches pour faire
démarrer son projet.
Les rédactions ne sont, de plus, rarement traversés par les concepts éditoriaux
modernes, les contenus ne sont pas adaptés aux attentes des consommateurs, qui
sont que rarement connus; elles n’usent pas d’outils comme la veille ou le
benchmarking. Le travail des journalistes n’est pas évalué, en dehors du pif des
rédacteurs en chef; des quotas ne sont que très rarement arrêtés et surtout
suivis,…
Une réalité qui se vérifie au niveau du rendu des médias qui naviguent quasiment
à vue. Alors qu’un média est par essence une structure qui s’organise et
s’interroge sur son vécu en permanence. Pour s’adapter à un contexte en
perpétuelle mutation puisque devant être en harmonie avec les goûts et attentes
du consommateur.