Les Tunisiens se sentent arabo-musulmans, mais s’opposent à l’ingérence du religieux dans leur vie

voting-1.jpgEn attendant la tenue des premières élections véritablement libres de l’histoire de la Tunisie –en l’occurrence de l’Assemblée constituante-, c’est par petites touches successives que les Tunisiens découvrent leur profil politique et leurs intentions dans ce domaine. Les sondages menés depuis le 14 janvier 2011 y contribuent beaucoup –malgré leurs limites et imperfections. Le dernier en date, réalisé par Sigma Conseil, le cabinet d’études dirigé par Hassen Zargouni, verse des éléments importants au débat sur la politique, la religion et le rapport des Tunisiens à ces deux facteurs.

A faire la synthèse des réponses aux six ou sept questions ayant trait à ces thèmes, on réalise que les Tunisiens se sentent ancrés dans la culture arabo-musulmane mais s’opposent à l’interférence du facteur religieux dans leur vie de tous les jours, et en particulier dans le rapport à Dieu.

Certes, plus de 90% des Tunisiens soutiennent que «la Tunisie doit renforcer son appartenance au monde arabo-musulman» -ce qui reflète «un grand sentiment d’ancrage identitaire», note Sigma Conseil. Mais cela n’empêche pas 70% des sondés de considérer que le gouvernement doit «légiférer en Tunisie en se référant à un droit civil» et pensent –en plus grand nombre (92,3%)- que «la Chariaa pourrait être appliquée sur certains sujets et rejettent un droit basé uniquement » sur la loi islamique. Seulement 8,7% des Tunisiens (notamment dans le Centre-ouest, avec 20,6%) sont favorables à l’application de la Chariaa. Près des deux tiers (69,5%) considèrent que «le gouvernement doit émettre des lois selon le souhait des gens dans certains sujets et selon la Chariaa sur d’autres».

Les Tunisiens sont encore plus clairs sur le rapport à la religion et plus nombreux à considérer que «les pratiques religieuses constituent une affaire personnelle et ne doivent en aucun cas être imposées». Minoritaire dans le Nord-ouest (19,05%) et de la frange populaire de la population (43,5%), ce point de vue est largement majoritaire (58,8%) au sein de la classe aisée.

De ce fait, il n’est guère étonnant que les deux tiers des Tunisiens s’opposent également à l’usage des mosquées comme tribunes électorales. Et là aussi le clivage est net entre classe aisée (60,8%) et populaire (37,7%). D’ailleurs, la majorité des Tunisiens –près de la moitié des femmes (52,4%) et près de 5% ne savent pas ou refusent de répondre, seulement 26,4% déclarent aller une fois par semaine ou plus à la mosquée.

Et quand on les invite à mentionner par ordre d’importance les priorités que le gouvernement devrait se fixer dans son action, les Tunisiens citent en premier les domaines économique (bien gérer l’économie), social (fournir plus de soins gratuits, de pensions et aides financières aux personnes modestes), et en matière de gouvernance (réduire la corruption dans le gouvernement et protéger les droits des citoyens contre la police ou les autres autorités gouvernementales), devant les questions religieuses (enseignement des valeurs de la Chariaa dans les écoles, protection des droits des chrétiens, égalité entre la femme et l’homme, etc.).

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