«Je suis indépendant!», lance d’emblée Kamel Jendoubi, président de l’Instance Indépendante des Elections, lors de la conférence de presse du 26 mai 2011. Une indépendance qu’il réclame fortement, après l’annonce de la décision finale de l’instance de la date des élections, soit le 16 octobre 2011. «Nous ne sommes pas habitués à cette indépendance. Aujourd’hui, nous avons eu une rencontre avec les partis politiques. Jusqu’à maintenant, les organismes publics sont restés très attachés à l’Etat. Ce qui fait que cette rencontre c’est une première en son genre», défend-il.
Cette rencontre avait pour but de présenter à tous les partis politiques l’agenda électoral et expliquer les raisons du maintien de la date du 16 octobre 2011. Une rencontre qui s’est plutôt bien passée, affirme M. Jendoubi, avant d’insister sur le fait que les partis politiques ont le droit d’exprimer leurs avis, tant que ceci ne touche pas la crédibilité et la neutralité de l’instance. «N’attendez pas de nous un commentaire sur une position politique ou gouvernementale. Nous nous attachons à notre indépendance et notre neutralité», lance-t-il.
Neutralité?
Le président de l’Instance ajoute que l’instance n’est pas dans une logique de bras de fer avec le gouvernement et les partis politiques. Le gouvernement a annoncé auparavant son attachement à la date du 24 juillet 2011 ainsi que certains partis politiques. «Nous sommes plutôt dans une logique de consensus. Ce n’est pas une question de date mais de processus électoral. Les élections de l’Assemblée Constituante ne pourront pas se réaliser dans la date initialement prévue», explique-t-il.
De son côté, Boubaker Bethabet, secrétaire général de l’instance, précisera que la première date a été décidée avec l’objectif de réaliser une élection présidentielle prématurée. Après s’être mis d’accord sur des élections d’une Assemblée Constituante, elle n’est plus valable, selon lui, puisque le processus est plus compliqué et l’agenda est largement différent. «Cet agenda a été publiquement annoncé et nous n’allons pas y renoncer», affirme M. Bethabet.
Des risques…
A croire l’instance indépendante des élections, le maintien de la date du 24 juillet 2011 pose des risques sur la faisabilité et le bon déroulement des élections. Les candidatures doivent lui parvenir, au plus tard le 2 juin 2011 –45 jours avant les élections-, selon les délais prescrits par la loi électorale, ce qui est impossible actuellement, selon le président de l’instance. «Nous ne pouvons pas maintenir cette date parce qu’elle ne garantit pas les procédures de la loi électorale. Celles-ci stipulent des délais qu’on ne peut pas changer. Dans ce cas, l’inscription se déroulera alors que l’instance ne s’est pas encore mise en place et ça ne fait que quatre jours qu’elle existe».
Selon l’agenda présenté, la mise en place de l’instance prendra environ 14 jours. Il faudra, par la suite, créer des bureaux régionaux (20 jours), recruter les observateurs (7 jours), fixer les procédures d’inscription (7 jours), les programmes de formation (7 jours), identifier les bureaux de vote (21 jours) et les bureaux d’inscription (21 jours). On annonce, ainsi, que 21 mille personnes seront recrutées pour les 5 mille centres de vote et 4.500 personnes pour les 1.500 bureaux d’inscription. D’un autre côté, l’inscription des votants prendra 30 jours, les litiges (25 jours), la présentation de la liste des candidats (14 jours), la campagne électorale (21 jours), etc.
Inscription volontaire…
Concernant les procédures d’inscription aux élections, M. Jendoubi indique qu’il y aura recours à l’inscription volontaire. Un choix imposé par des lacunes au niveau de la base des données de l’électorat. On estime que 13% des adresses sont erronées ou manquantes, 400 mille ont une ancienne carte d’identité, les adresses des Tunisiens à l’étranger (on compte 1,1 million) ne sont pas identifiés. «Il y a un risque de négliger environ 2 à 3 millions si on recourt à l’inscription automatique», explique M. Jendoubi.
Concernant le financement des travaux de l’instance, il a annoncé que le gouvernement a mobilisé 10 MDT comme avance sur le budget. La Banque centrale de Tunisie vient d’ouvrir un compte pour l’instance. Son président indique aussi que le financement des listes électorales est son apanage. Chaque liste sera appelée à ouvrir un compte en son nom. L’instance s’approprie le droit d’éliminer une liste même après l’annonce des résultats si elle n’a pas respecté les règles de financement.
En réponse à une question sur la garantie de la transparence des élections et la confiance en le travail de l’instance, M. Bethabet a affirmé qu’il n’y a pas de garantie concrète. «Les seules garanties sont la bonne foi et la confiance dans les institutions», lance-t-il. En attendant, le débat sur la date des élections ne s’est pas encore apaisé. La réponse du gouvernement reste prévisible avec l’attachement de l’instance indépendante des élections à la date du 16 octobre 2011.