à Los Angeles (Photo : Mark Ralston) |
[30/05/2011 09:02:39] TOKYO (AFP) Victime de l’un des pires piratages de données de l’histoire d’internet, le géant de l’électronique Sony est attaqué au coeur de sa stratégie d’avenir alors que sa légendaire capacité d’innovation semble appartenir au passé.
Le vol de données personnelles d’une centaine de millions d’utilisateurs de ses plates-formes de jeu et musique pour consoles, ordinateurs et autres produits estampillés Sony constitue une épreuve majeure pour le groupe japonais.
Le fleuron nippon, qui n’exclut pas que des coordonnées bancaires aient été subtilisées, a dû suspendre ses services plusieurs semaines, alors même qu’ils sont de plus en plus la raison d’être de ses appareils.
“Qui sait comment cela va évoluer ? L’histoire peut se clore dès maintenant ou bien déboucher sur des procédures judiciaires coûteuses si les informations dérobées finissent en de mauvaises mains”, souligne Toshiyuki Kanayama, de la maison de courtage Monex.
Cette attaque est en outre survenue alors que Sony a été l’une des entreprises japonaises de son secteur les plus affectées par le séisme dans le nord-est du Japon. Dix de ses usines de l’archipel ont dû interrompre temporairement leurs activités.
Bien que le groupe reste solide et soit capable de surmonter ces difficultés conjoncturelles, d’aucuns pointent du doigt ses faiblesses structurelles, jugeant que Sony, société emblématique de l’après-guerre, n’est plus aussi avant-gardiste.
Le problème de piratage a notamment créé une incertitude sur la stratégie de Sony consistant à asseoir l’attractivité de ses produits sur les contenus et services auxquels ils donnent accès.
De surcroît, du point de vue des consommateurs, l’originalité intrinsèque des appareils reste primordiale, bien que non suffisante, soulignent des analystes. Ceci est d’autant plus vrai que Sony évolue désormais dans un environnement où les concurrents sud-coréens comme Samsung Electronics ou LG Electronics sont capables de proposer des produits de qualité technique comparable mais bien moins chers.
“Sony dit vouloir greffer ses contenus sur son matériel (pour se démarquer). Mais regardez Apple. Les contenus sont en fait arrivés après la sortie d’appareils attractifs”, rappelle M. Kanayama.
“Ce qui important pour Sony, c’est de proposer des produits uniques, attirants. Si tel n’est pas le cas, les consommateurs n’ont aucune raison de choisir la marque Sony”, souligne Toshiyuki Kanayama, un analyste de Monex.
Pris dans une compétition internationale, le groupe est poussé à développer plus vite, à réduire ses coûts, donc à s’autoriser moins de temps et moins de liberté pour imaginer des objets révolutionnaires et très grand public, comme savait si bien le faire auparavant l’inventeur de la radio de poche à transistor, du baladeur Walkman ou encore des caméscopes.
Au tournant des années 2000, la sortie de la PlayStation a constitué un nouveau coup de maître, lui permettant de dominer le marché de la console de jeux vidéo. Depuis, Sony n’a pas réussi à se distinguer par de nouveaux produits surprenants, comme Apple y est parvenu avec ses iPhone et iPad, déplorent les Japonais.
Invitée à la prudence financière, Sony semble avoir renoncé aux aventures un peu folles, couronnées ou non de succès commercial mais potentiellement enrichissantes sur le plan créatif.
“La créativité originelle de Sony s’est perdue quelque part, et cela n’est pas facile à recouvrer”, s’inquiète M. Kanayama.
“Il n’y a rien pour tirer la croissance”, déplore le quotidien économique Nikkei, relevant que les profits nets espérés par le groupe cette année devraient venir de réduction de coûts pour l’essentiel, un cercle vicieux qui limite aussi les moyens de recherche.