L’homme dont le nom est resté à jamais accolé à la BIAT nous livre dans cette grande synthèse politico-économique des années Bourguiba une fort belle histoire d’un parcours singulier.
I – Un fils de paysan à Paris
Tout, dans la vie de l’auteur, semble avoir été prédestiné, un parcours, pour ainsi dire, tracé d’avance – à son grand bonheur, du reste. Il est des êtres humains comme ça : nés pour briller, rien que pour briller. Un destin à faire pâlir de jalousie la planète entière – surtout ceux qui ont usurpé le pouvoir avec des cerveaux désespérément vides.
Il s’appelle Mansour eu égard à Sidi Mansour, un marabout dans les environs de Sfax. Et il s’appelle Moalla du nom d’un quartier dit « Merkez Moalla ». Fils de paysan, un agriculteur sans terre propre et travaillant à la sueur de son front, il exprimera dans ce livre la situation de sa famille, à l’époque, d’une manière fort subtile : « … on est pauvre pour les vrais riches, et riche pour les vrais pauvres ».
Venu au monde au bout de quelques décès (de ses frères univitellins ou demi-frères) et quelques filles (à une époque où n’avoir pas de garçon était perçu comme une catastrophe), Mansour est accueilli comme un prince héritier : plus que choyé et dorloté (ce qu’il ne dit pas, mais laisse entendre avec un : « j’étais un enfant désiré »). C’est cette ambiance familiale, faite d’amour, qui poussera l’enfant à le lui rendre très bien en s’attelant à la seule tâche de…briller dans ses études.
Il fréquentera dès 1941 (il est né en 1930) le Collège de garçons de Sfax, et se livrera – déjà ! – à la vie associative en adhérant, aux côtés d’un certain… Tijani Zalila (entre autres) à l’Association culturelle des élèves de Sfax. A l’âge de 14 ans, le petit Mansour, manifestement féru de littérature et de théâtre, se fait fort de flirter avec… Euripide, Sophocle, Eschyle, Corneille, etc. C’est un autre environnement dont, le comparant à celui d’aujourd’hui, M. Moalla dit : « Le système éducatif actuel et l’environnement télévisuel, informatique et ‘‘gadgétique’’ n’offre plus de telles possibilités aux nouvelles générations ».
En 1948, le jeune Mansour arrache son bac : « C’était inespéré pour un enfant de paysan dans la banlieue de la ville de Sfax. C’était un sommet aux yeux de la plupart des gens autour de moi ». Et malgré tout – allez comprendre quelque chose – son père voulait en faire un agriculteur comme lui. La maman ainsi que toute la famille en décident autrement : laisser le jeune homme continuer sur sa lancée, quitte à plaquer village et famille. D’abord surveillant au Collège Sadiki (il prépare dans le même temps deux importants examens qu’il réussit haut la main : droit et lettres), il quittera ensuite la Tunisie pour un nouvel horizon : Paris, à la Faculté de Droit de Sainte Geneviève, et la Sorbonne, pour une licence en lettres.
(Demain : de l’UGET à l’ENA).