L’homme dont le nom est resté à jamais accolé à la BIAT nous livre dans cette grande synthèse politico-économique des années Bourguiba une fort belle histoire d’un parcours singulier.
II – De l’UGET à l’ENA
A Paris, le jeune Mansour ne tarde pas à adhérer à l’AEMNA (Association des Etudiants Musulmans Nord-africains – Alger, Maroc, Tunisie) où il croise un certain Hassen Belkhodja, alors président de l’Association. Le siège de celle-ci est au 115 Boulevard Saint Michel que les étudiants dénomment ‘‘Le 115’’. Nous sommes en 1951, et l’AEMNA bouillonne déjà qui prépare son premier et important meeting. Arrivent dans la capitale française d’autres noms non moins illustres : Béhi Ladgham, Hédi Nouira, Farhat Hached, Béchir Ben Yahmed et Ahmed Ben Salah qui, tous, sont invités à parler de la situation prévalant en Tunisie en leur qualité de dirigeants destouriens. Il va sans dire que le sujet d’actualité est évidemment l’indépendance du pays. Ces derniers ne jugent pas nécessaire d’en rendre compte à des jeunes étudiants. Cette marque de mépris (mais pas seulement elle) contribuera à une campagne tendant à la création de l’UGET.
Mais jusqu’ici, d’autres événements ont lieu, dont les plus importants sont ‘‘ la lettre du 15 décembre 1951 qui proclame la caractère perpétuel du protectorat’’, déclenchant ainsi révoltes et répressions, un cycle de violences devant durer presque trois ans, et ‘‘ l’arrivée à Paris de Bourguiba qui venait de terminer un périple à travers le monde pour défendre la cause tunisienne’’.
En dépit de tout (arrestation de Bourguiba et son isolement à l’île de la Galite), Mansour Moalla réussit sa troisième année de licence en droit, de même qu’un examen d’Histoire du Moyen-âge (1951). L’année suivante sera consacrée à un certificat de géographie générale et la préparation d’un doctorat en droit. Sur le plan politique, elle sera très agitée : recrudescence de la répression en Tunisie, surtout après l’arrivée en janvier 1952 du nouveau résident général De Hautecloque, ce qui a provoqué ‘‘ une véritable Intifadha des jeunes lycéens et étudiants à Sfax, Tunis et Sousse. « Un communiqué du 16 mars 1952 indique que le comité de coordination (de l’action estudiantine, créé en février 1952) est devenu l’Union Générale des Etudiants Tunisiens » qui restera clandestine jusqu’au congrès de Paris de juillet 1953 qui l’officialisera.
Auparavant, est né ‘‘L’Etudiant tunisien’’, un journal au petit format et en quatre pages qui devait être le porte-parole des étudiants tunisiens en France, mais un relais aussi avec ceux de Tunisie à eux expédié depuis l’Hexagone. C’est grâce à ce journal que, plus tard, eut lieu le congrès constitutif de l’UGET, soit du 10 au 13 juillet 1953 :
En 1953, justement, Mansour Moalla est sur plusieurs fronts à la fois : congrès de l’UGET, congrès mondial des étudiants de Varsovie, préparation de l’examen de géographie régionale, et préparation du concours d’entrée à l’ENA. ?
Durant l’été 1954, il y eut le deuxième congrès de l’UGET de Tunis avec pour candidats au Bureau exécutif, Hamed Karoui et Mansour Moalla, celui-ci étant devenu président de l’Union. De retour à Paris, il rencontre Bourguiba à Amilly, un leader dont ‘‘ le charisme est irrésistible, un don de la communication extraordinaire’’. De ce tête-à-tête d’une journée entière avec Bourguiba, Mansour Moalla écrit : « Cette journée mémorable vécue avec Bourguiba au Château la Fierté m’a appris sur l’action politique, la stratégie, la tactique, plus que mes années à Sciences Po où les conférences de méthodes, malgré leur caractère pratique, n’atteignent pas le degré d’efficacité des ces leçons de choses portant sur le réel et le vécu ».
L’auteur, sur plusieurs pages, évoque ensuite les négociations devant mener à l’autonomie interne du pays, et revient notamment sur l’image qu’il garde de Bourguiba : « Tel est Bourguiba : un être supérieur, qui sait parler aux autres, conquérir les esprits et les cœurs, guider et encourager les jeunes, leur inculquer le sens du devoir, du service de la collectivité, de l’abnégation et du sacrifice. Comment résister à ce rayonnement et à ce charisme?».
A ce stade du récit, Mansour Moalla est de retour à Paris pour poursuivre sa deuxième année d’études à l’ENA. En 1954, il est affecté à l’Inspection des Finances (France) et doit soutenir une thèse de doctorat en droit.
En septembre 1957, le séjour parisien arrive à son terme.
Demain : III – Naissance du dinar tunisien