Pour une première, c’en est bien une: une juridiction de première instance de Tunis vient de prononcer un jugement obligeant la chaîne de télévision «El-wataniya 1» à accorder le droit de réponse à un homme d‘affaires tunisien, en l’occurrence l’emblématique Dr Djilani Daboussi, ex-maire de Tabarka dont les biens ont été incendiés par des «baltagias» qui se sont permis, en plus, face à la caméra du journal de 20 heures d’Elwatania, de l’insulter, de l’accuser de toutes sortes d’abus et de porter atteinte à sa dignité et à son honneur. Sur le plan juridique, de telles déclarations non fondées relevaient tout simplement de la diffamation, un délit puni par la loi. D’où le bien-fondé du jugement.
D’abord, rappelons les faits. Le 10 avril 2011, des manifestants ont incendié, à Tabarka, une clinique, un hôtel, des ambulances et d’autres véhicules appartenant à Dr Daboussi et à son fils. Les pertes avoisineraient les 6 millions de dinars en plus de la mise en chômage d’une centaine de personnes et la fermeture d’une clinique qui rendaient d’éminents services à la communauté de Tabarka et aux touristes. Le prétexte: une intervention la veille de l’ex-maire de Tabarka, dans un débat diffusé par El Watania 1. Les émeutiers y ont vu un retour d’un des anciens du régime déchu.
En vertu de ce jugement, Dr Djilani Daboussi peut intervenir, au journal de 20 heures d’El Wataniya 1, durant trois minutes environ, c’est-à-dire le même temps d’antenne accordé aux manifestants interviewés de Tabarka pour se défendre et exprimer son point de vue sur cette affaire.
Ce jugement a le mérite de consacrer la primauté de la loi et l’indépendance de la justice. Dorénavant, l’impunité, qui avait régné durant le régime déchu et durant certaines étapes de cette révolution, ne doit plus avoir droit de cité. Désormais, toute personne qui transgresse la loi et porte préjudice aux biens d’autrui doit répondre de ses actes devant la justice. C’est, hélas, la seule voie de salut. Le Tunisien a tout intérêt à tourner définitivement le dos aux émeutes et à la casse pour faire valoir ses droits -s’il en a bien évidemment- auprès de la justice.
Car «l’affaire de Tabarka», si on peut l’appeler ainsi pour l’Histoire, et surtout cette témérité irréfléchie avec laquelle une clinique et des ambulances ont été incendiés, doit interpeller notre conscience. C’est du jamais vu. Même en temps de guerre, les belligérants avaient pour consigne stricte de ne jamais attaquer les ambulances et les hôpitaux. Il y a là plus qu’un simple fait divers, un signe d’une évolution malheureuse de la qualité de l’homme. C’est tout simplement un acte suicidaire dont le prix sera chèrement payé non pas par les émeutiers mais par toute la communauté de Tabarka. Car, au regard des traumatismes subis et des dégâts causés, les investisseurs ne se bousculeront plus pour s’implanter dans cette zone, fussent-ils des Kroumiriens de pur sang.