Oeuvres d’art et ISF, le débat qui divise aussi les économistes

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ôtel des ventes Drouot à Paris, le 20 novembre 2010 (Photo : Francois Guillot)

[07/06/2011 17:22:37] PARIS (AFP) Faut-il revenir sur l’exonération d’impôt sur la fortune (ISF) dont bénéficient les oeuvres d’art? Le débat qui déchaîne les passions politiques divise aussi économistes et fiscalistes, entre partisans d’un statu quo protecteur du marché de l’art et apôtres de l’équité fiscale.

“C’est de la démagogie intégrale, une bêtise déconcertante, le mode de taxation le plus injuste que l’on pourrait imaginer”, fulmine Jean-Yves Mercier, avocat au cabinet Francis Lefebvre.

L’objet de son ire? Un amendement du député UMP Marc Le Fur visant à intégrer les oeuvres d’art dans le calcul de l’ISF.

Cet amendement, qui devait être débattu en séance plénière mardi ou mercredi à l’Assemblée, a cependant peu de chances d’être adopté. Le gouvernement y est hostile. Ce serait “un coup dur pour le marché de l’art français”, a tranché le Premier ministre François Fillon.

Le fisc, fait valoir Jean-Yves Mercier, n’a pas le pouvoir de pénétrer dans les résidences privées. Si bien que les seuls à tomber sous le coup de cette mesure pourraient être les châtelains dont le domaine est ouvert à la visite ou les possesseurs d’oeuvres de grand prix trahis par leur police d’assurance.

L’avocat se prend même à imaginer un “courant migratoire” de “victimes de cette imposition” qui iraient chercher à Genève, Bruxelles ou New York des cieux fiscaux plus cléments.

D’un avis diamétralement opposé, Michel Taly, ancien directeur de la législation fiscale à Bercy, devenu avocat fiscaliste, verrait dans cette taxation un “symbole” d’équité fiscale. “Si on conserve l’impôt de solidarité sur la fortune, pourquoi en exonérer certains ?”, s’interroge-t-il.

“On nous dit que les intéressés vont partir à l’étranger, mais qu’est-ce que ça change que les oeuvres soient chez un collectionneur à Paris ou à New York si, de toute façon, personne d’autre ne les voit”, relève-t-il encore.

Autrefois proche de Laurent Fabius, Michel Taly se souvient d’avoir prôné en 1981 une exonération fiscale partielle ou totale pour les collectionneurs acceptant de prêter leurs oeuvres à des expositions temporaires.

Pour autant, reconnaît-il, ce débat relève davantage du “symbole et de la question de l’équité” face à l’impôt que d’une affaire de “rendement fiscal susceptible de renflouer les caisses de l’Etat”.

Emmanuel Clavé, conseil auprès de la banque privée Neuflize OBC Art, redoute quant à lui le fameux “syndrome rhétais”, qui avait vu de modestes propriétaires terriens de l’Ile de Ré tomber sous le coup de l’ISF par le seul jeu de la flambée des prix de l’immobilier.

“Des gens qui ont un objet d’art depuis longtemps dans la famille pourraient se retrouver dans la même situation”, observe-t-il.

Pour Thomas Chalumeau directeur des affaires économiques à Terra Nova, une fondation proche du PS, “le débat est beaucoup trop manichéen”. Toute la question, selon lui est de “savoir où mettre le curseur” afin de “ne pas tomber dans un matraquage fiscal” fatal au marché de l’art.

Lui-même préconiserait “à minima de réintégrer les oeuvre d’art dans le calcul de l’ISF mais en en plafonnant leur part autour de 10% de la totalité des actifs imposés”.

Les sommes en jeu, selon lui, tourneraient autour de 100 à 150 millions d’euros de revenus supplémentaires pour l’Etat.

Un concours modeste mais précieux pour une réforme fiscale qui prévoit l’allègement de l’ISF et la suppression du bouclier fiscal, mais est toujours en quête d’équilibre budgétaire.