Une étude que vient de réaliser l’Institut Arabe des Chefs d’Entreprises – IACE – sur le secteur du tourisme en Tunisie, a permis de dégager un certain nombre de constats qui démontrent, notamment, que les problèmes du tourisme dans notre pays sont beaucoup plus profonds et plus anciens.
La Tunisie qui maintient son niveau en termes d’arrivées et de part de marché accuse en même temps et surtout depuis 1999 une perte de compétitivité par rapport à d’autres destinations dont la croissance est plus rapide.
Les recettes touristiques tunisiennes apparaissent comme particulièrement faibles en comparaison avec les destinations concurrentes et tout particulièrement avec le Maroc, ce qui indique qu’elle se situe sur des marchés faiblement rémunérateurs. En effet, quatre années après les événements du 11 septembre, le secteur n’est pas parvenu à retrouver le niveau d’activité qui était le sien en 2001.
En Egypte, un mois après les attentats de Charm El-Cheikh en 2005, le nombre de visiteurs atteignait 750 000, soit 30% de plus qu’un an auparavant. « Les voyageurs sont devenus plus résistants à la peur d’une attaque puisqu’elle peut arriver n’importe où » analyse un rapport de l’Organisation Mondiale du Tourisme publié en aout 2005.
Pourquoi malgré la grande révolution historique que connait la Tunisie, ce grand événement ne semble pas parvenir à doper les nouvelles arrivées de la saison 2011 même partiellement?
La crise du tourisme tunisien et en particulier de l’industrie hôtelière est plus profonde qu’elle ne paraît. Elle n’est pas conjoncturelle, mais trouve ses racines dans le schéma global de développement sectoriel adopté depuis quelques décennies déjà. Si la place de l’hôtellerie reste importante au sein de l’économie nationale, elle est en perte de vitesse comparativement aux autres secteurs d’activité comme les autres services, les industries mécaniques et électriques, la chimie et les industries diverses puisque sa contribution à l’effort de création de richesses supplémentaires marque un essoufflement évident.
On relève aussi la faiblesse très apparente des prix moyens par lit loué comparativement à ce qui est en vigueur dans les pays concurrents du bassin méditerranéen. L’écart est de 1 à 5 entre la Tunisie et la Turquie et de 1 à 3 entre la Tunisie et le Maroc.
L’allure de la croissance est relativement exigeante en capital puisqu’on estime qu’il faudrait près de 9 dinars de capital immobilisé pour générer 1 dinar de valeur ajoutée.
Etant dans l’incapacité de générer des gains de productivité pour économiser sur les coûts de production et gagner des parts de marché nouvelles, les hôteliers tunisiens se trouvent de plus en plus prisonniers d’un dilemme incontournable qui est celui de continuer à pratiquer une politique de croissance extensive qui consiste à investir pour augmenter leur capacité en lits et générer des recettes supplémentaires puisque incapables d’influer sur l’évolution favorable des prix. Cette course poursuite vers l’extension des capacités hôtelières n’a fait qu’aggraver une situation financière déjà fragile.
Sous l’effet de la croissance, les flux de crédits contractés annuellement pour financer les investissements et la croissance, les hôtels ont fini par accumuler un encours d’endettement vis-à-vis du système bancaire relativement important. Quelque soit le ratio considéré, on relève une augmentation sensible et inquiétante du nombre d’années requis pour rembourser la dette. Au cours de la période 1983-1990 il fallait 17 mois de chiffres d’affaires, 40 mois de valeur ajoutée et 13 ans d’épargne pour éteindre la dette.
Au cours de la période 1999-2004, il faudrait 33 mois de chiffres d’affaires, 65 mois de valeur ajoutée et 14 ans d’épargne.
La restructuration de l’industrie hôtelière devra s’inscrire dans deux axes principaux et indissociables l’un de l’autre. Le premier envisage l’assainissement immédiat de la situation financière de l’activité hôtelière afin de préserver ses acquis ; son potentiel d’emploi et son courant de recettes en devises. La dinarisation des devises rend les banques plus liquides. Cette liquidité aidera les établissements de crédits à lever certaines contraintes aux financements futurs du secteur. Le second axe à caractère stratégique de moyen et long terme consiste à dissoudre l’activité hôtelière dans une logique globale de promotion du tourisme faisant de la Tunisie une véritable destination touristique.