à Hanoi, le 5 juin 2011 (Photo : AFP) |
[10/06/2011 09:40:43] HANOI (AFP) La colère des Vietnamiens contre le grand voisin chinois s’exprime sans retenue sur les réseaux sociaux comme Facebook depuis quelques jours, alimentant les tensions qui ont provoqué des incidents entre les deux rivaux autour d’archipels disputés en mer de Chine méridionale.
Dimanche dernier, lors de la manifestation antichinoise la plus importante depuis quatre ans, quelque 300 personnes s’étaient rassemblées devant l’ambassade de Chine à Hanoï pour dénoncer ce qu’elles considèrent comme une “invasion” de bateaux chinois.
Un rassemblement similaire a eu lieu à Ho Chi Minh-Ville, la grande ville du sud du pays. Deux manifestations apparemment lancées via les réseaux sociaux sur l’internet, que le gouvernement autoritaire de Hanoï a laissé se produire.
Sur Facebook, des messages ont dénoncé le “cancer” de l’afflux de produits chinois et le comportement de “pirates” des Chinois dans les eaux disputées.
“Je pense que Facebook est le canal de communication majeur” pour cette mobilisation, a expliqué un manifestant, estimant que la population voulait que le gouvernement adopte une “ligne dure” contre Pékin.
“Au moins, il devrait plus se faire entendre”.
à Hanoi, le 5 juin 2011 (Photo : AFP) |
Hanoï et Pékin se disputent les Paracels et des Spratleys, archipels supposés riches en ressources pétrolières qui provoquent régulièrement des pics de tension bilatérale.
La crise actuelle date du mois dernier, lorsque le Vietnam a accusé la Chine d’avoir “violé” sa souveraineté, après un incident au terme duquel un navire d’exploration pétrolière avait été endommagé par des bateaux chinois.
Pékin avait alors répondu en qualifiant d'”illégale” la présence de navires vietnamiens et en réclamant l’arrêt de toute activité vietnamienne dans les eaux disputées.
Un incident similaire a eu lieu jeudi, les deux pays s’accusant une nouvelle fois mutuellement.
Mais le débat public sur l’internet donne une nouvelle dimension à la crise. Le Vietnam n’autorise généralement pas les manifestations, et contrôle strictement l’internet. Et son laisser-faire, dimanche dernier, a ainsi été vu comme un message pour Pékin.
“Jusqu’à un certain point, je pense que cela sert les intérêts du Vietnam, mais d’un autre côté, cela pousse à une réaction chinoise”, estime ainsi Carl Thayer, spécialiste du Vietnam à l’université australienne de New South Wales, craignant que d’autres manifestations ne mettent de l’huile sur le feu.
Fin 2007 déjà, des manifestations antichinoises s’étaient tenues sur deux week-ends consécutifs, avant que Pékin n’affirme que ses relations avec Hanoï étaient en danger. Et que les autorités vietnamiennes ne fassent cesser les rassemblements.
L’expression de la colère populaire peut servir la stratégie du Vietnam mais le pouvoir doit veiller à ne pas la laisser se propager, renchérit Ian Storey, analyste à l’Institut des études sur l’Asie du Sud-Est à Singapour.
“Les étudiants pourraient commencer à protester contre d’autres choses”, et poser des problèmes sur le plan intérieur, souligne-t-il.
“Peut-être ont-ils peur de manifestations comme en Afrique du Nord ou au Moyen-Orient”, évoquait à cet égard dimanche un manifestant.
Alors que le ressentiment contre la Chine, qui a occupé le Vietnam pendant un millénaire, est très répandu au Vietnam, le différend maritime a provoqué un nouvel accès de patriotisme dans les médias officiels, les blogs indépendants et les réseaux sociaux.
La difficulté pour le gouvernement sera de ne pas trop provoquer Pékin, sans pour autant apparaître trop faible devant son peuple.
“Oh mes chers compatriotes, pouvons-nous continuer à subir cette humiliation?”, lisait-on récemment sur un blog très populaire.