La question peut se poser dans un pays qui s’enorgueillit d’avoir fait la
première révolution du 21ème siècle, et pourtant quelqu’un qui se retrouve à
Tunis ces jours-ci du mois de juin 2011, c’est-à-dire après presque 5 mois de
révolution, peut retrouver beaucoup de choses qui lui rappellent étrangement
l’époque «glorieuse » de
Zaba Ier …
Par exemple, et c’est ce qui nous intéresse dans ce propos, quand on se dirige
vers le kiosque à journaux, on retrouve presque à 98,99% (des taux que nous
connaissons) les mêmes titres quotidiens de l’époque. En fin de compte, on ne se
demande pas pourquoi ces titres n’ont pas disparu -pas tous certes mais au moins
deux ou trois qui étaient d’une couleur plus mauve que le mauve lui-même, et qui
continuent à être lus par un peuple qui vocifère à longueur des journées contre
Ben Ali et sa famille et les sbires de son régime.
Ces journaux qui ont, sur plus d’une dizaine d’années, englouti des sommes
énormes d’argent pris sur les comptes de la fameuse
ATCE, doivent non seulement
comparaître devant les juges pour ce qu’ils écrivaient, mais doivent rendre
compte des villas et autres voitures et comptes en banques de leurs dirigeants,
des anciens journalistes que nous connaissons.
Oh c’est la chasse aux sorcières, dirons certains, alors et c’est la révolution
revancharde et patati et patata…! Oui et alors?! Si nous voulons bâtir un
nouveau système d’information, il va falloir laver et purifier l’ancien… Oh on
ne va demander à emprisonner ou exproprier qui que ce soit mais nous voulons
qu’il y ait des gens qui ont le courage, l’un d’eux et le seul, Boubaker Sgheir
l’a fait, de s’excuser auprès du peuple tunisien, «Al Arabia», par exemple, a
fermé boutique et a choisi dignement de s’exiler.
Pourquoi ils (les autres qui savent ce qu’ils ont écrit des années durant) ne
font pas ce geste courageux? Est-ce qu’il faut qu’on aille au CDN (Centre de
documentation national) et qu’on fasse travailler les photocopieurs pour exhiber
les fameux textes, par milliers, et les distribuer comme des souvenirs de
l’avant-révolution?
Nous avons une mémoire courte, sinon comment nous achetons encore un journal où
l’édito est écrit par la même plume, celle qui est équipée en 3 ou 4 couleurs
dont le mauve et demain, peut-être, le jaune de la future majorité au pouvoir.