Le parti Ennahdha, ex-mouvement Ennahdha des années 80, a organisé un colloque sur l’économe du pays: «l’économie tunisienne, défis et perspectives». La manifestation a eu lieu, samedi 11 juin 2011, dans une salle huppée, à Hammam-Sousse, avec la participation d’universitaires, d’hommes d’affaires de la région, du représentant de l’Association d’amitié tuniso-américaine et de symboles du parti dont Hamadi Jebali, Abdelfettah Mourou et Ali Laaridh.
Le colloque ne manquait pas d’enjeux dans la mesure où Ennahdha, alors mouvement non reconnu, s’était distingué, durant les années 80, par des discours traumatisants pour les Tunisiens laïcs. Ces discours prêchaient moult interdictions et privations: fermeture des bars et des hôtels, arrachage des vignobles, interdiction du port des maillots…
Moralité: Tout le monde attendait avec grande curiosité soit tout remake des années 80, soit toute nouveauté, soit toute évolution des dirigeants d’Ennahdha sur ce dossier. Zoom sur un colloque.
A la surprise générale, les communications faites au cours de ce forum, tout autant que le débat qui s’en est suivi, ont plaidé pour la préservation des acquis économiques et pour leur renforcement. Pour Cheikh Abdelfettah Mourou, tous «les épouvantails» attribués à Ennahdha ne sont que de purs mensonges et alibis entretenus par le président déchu et destinés à discréditer le mouvement. A titre indicatif, il estime que c’est une aberration économique de croire qu’Ennahdha pourrait, un jour, porter préjudice à un secteur touristique qui emploie, de nos jours, de manière directe ou indirecte plus de 1,5 million de personnes.
Pour sa part, Hamadi Djebali, secrétaire général du parti, a plaidé pour un contrat économique qui serait le fruit d’une vision consensuelle et prospective. Ce contrat reprend curieusement, à un détail près, le programme de Ben Ali 2010-2014: option pour une économie de tendance libérale mondialisée, investissement dans l’industrie d’intelligence et dans les créneaux à haute valeur ajoutée et technologique (agroalimentaire, diversification des marchés touristiques à travers l’intégration de celui des pays du Golfe, tourisme de santé…).
Mention spéciale pour la communication de Mohamed Nouri, universitaire basé à Paris et président du Conseil français de la finance islamique. Il propose une diversification du partenariat public-privé en lui ajoutant le volet social (mis en veilleuse jusque-là), la diversification des partenaires commerciaux de la Tunisie en accordant plus d’intérêt aux marchés émergents (Chine, Inde, Brésil…) et la diversification des sources de financement recommandant le recours aux «Soukouks», l’équivalent d’une obligation dans la finance occidentale. Il s’agit de certificats d’investissements conformes à la recommandation religieuse issue du Coran interdisant aux fidèles le prêt à intérêt «riba». Il consiste pour la banque à acheter un bien et à le revendre immédiatement à un prix majoré au client lequel s’engage à le rembourser conformément à un échéancier établi d’un commun accord.
Pour l’ensemble des intervenants, ces approches ne font que baliser le terrain pour l’élaboration du futur programme économique du parti Ennahdha.
Par-delà les déclarations et approches des uns et des autres, un programme économique n’a du crédit que lorsqu’il sera mis en œuvre et prouvé son efficience et sa conformité aux engagements pris. Pour le moment, ce ne sont que des professions de foi qui n’engagent que leurs auteurs qui, en plus, comme «tous les mouvements islamistes vivent une situation de dédoublement intellectuel»,du moins si on croit le penseur tunisien Mohamed Talbi.