Le mouvement social des cadres et employés de
Tunisie Télécom
est inédit en
Tunisie. Voilà un conflit social ouvert avec une grève illimitée et des salaires
versés intégralement jusqu’au dernier millime à la fin de chaque mois. C’est la
première grève dans l’histoire où des employés font la grève tout en percevant
leurs salaires. En soit, c’est une très grande réussite et un modèle à exporter
comme la révolution tunisienne du reste.
Mais ce n’est pas là notre propos ici, ni de relever les points négatifs et les
souffrances des clients, ni de mesurer l’impact financier sur l’entreprise ou
ses employés, encore moins de chercher des justifications, ou des arguments pour
ou contre.
Je suis conscient que le personnel de Tunisie Télécom sait ce qu’il fait avec
une seule différence. En effet, on ne cesse de nous répéter que Tunisie Télécom
appartient aux 8.000 salariés, mais je suis désolé de leur dire que les 65% du
capital de TT appartiennent aux 12 millions de Tunisiens et pas uniquement aux
salariés de cette entreprise. Et s’il faut la renationaliser, la liquider, la
vendre ou peut-être même la fermer, il faudra le demander à tous les
propriétaires et non aux 8.000 employés.
Mais, je vais vous surprendre en affirmant que cette grève illimitée a servi, en
définitive, Tunisie Télécom laquelle a démontré qu’elle est une entreprise
virtuelle, qui a continué à travailler et à bien fonctionner tout en étant
fermée. Et là aussi, c’est une nouveauté tunisienne voire une marque déposée.
En effet, pour la majorité des clients GSM postpayé, cette grève n’a eu aucun
impact, puisque le réseau continue à fonctionner normalement et que la recharge
par cartes ou par téléphone fonctionne toujours 7 jours sur 7 et 24 heures sur
24. Donc, l’impact est néant pour 90% des clients de Tunisie Télécom.
Les clients postpayé et les entreprises continuent à recevoir leurs factures et
à les payer via les bureaux de poste ou via Internet et par cartes bancaires,
avec zéro impact sur le service et sur sa qualité.
Pour l’achat de nouvelles lignes, les TT Schop, gérés par des operateurs privés,
continuent de fonctionner. On peut aisément acheter une nouvelle puce,
contracter un abonnement et l’activer en toute aisance également.
Et pour ceux qui sont désireux d’autres services, comme les lignes ADSL, la 3G,
Internet, etc., ils peuvent toujours s’adresser à un autre opérateur national,
en l’occurrence Orange Tunisie dont 51% du capital sont –désormais- détenus par
l’Etat tunisien, ou vers l’operateur privé Tunisiana.
D’ailleurs, Orange Tunisie et Tunisiana semblent avoir pleinement profité de la
fermeture de Tunisie Télécom, et ce en lançant plusieurs projets et en captant
plusieurs clients, parmi les insatisfaits de Tunisie Télécom.
Nous pensons même que cette crise de Tunisie Télécom a eu des impacts positifs
sur l’évolution du secteur des télécoms, dans le sens où elle conforte la
position de Tunisiana sur le marché GSM tout en permettant à Orange de retrouver
des couleurs et de gagner beaucoup de clients 3G, Internet et surtout ADSL.
Vue que Tunisie Télécom ne jouit plus d’aucun monopole –ou presque-, cela
pourrait même pousser les autorités tunisiennes à accélérer l’octroi de la
licence 3G à Tunisiana afin d’offrir aux Tunisiens et aux entreprises
tunisiennes des services Internet de qualité.
Dans cette histoire, il y a deux choses à noter. La première c’est que le réseau
de Tunisie Télécom continue à bien fonctionner, et dans ce cadre, il faut saluer
les hommes et femmes de l’opérateur qui ont continuent à être aux postes et à
travailler en silence et dans l’ombre. Mais cela prouve aussi que le réseau et
l’infrastructure de Tunisie Télécom ont été bien dimensionnés et bien
architecturés, pour pouvoir travailler de manière autonome. En soit, cette grève
a été un très bon test de ce point de vue.
La deuxième constatation à tirer de cette grève, c’est que Tunisie Télécom a
anticipé de manière inconsciente ce type de fermeture, et ce en se mouvant en
entreprise virtuelle, avec portail, services web, sous-traitance auprès
d’operateurs privés comme TTSchop –qu’il faut encourager et généraliser, car il
pourrait contribuer à résoudre la problématique des jeunes diplômés chômeurs.
Il est certain que quand Tunisie Télécom rouvrira ses portes, elle va accélérer
le mouvement, et il est fort à parier que la migration totale vers une
entreprise totalement virtuelle va continuer et même se terminer en peu de
temps.
Donc, Merci pour les employés de Tunisie Télécom d’avoir observé cette longue
grève, qui a été au final très utile…