En nourrissant un climat d’insécurité quasi permanent, les nostalgiques de Ben Ali et certains de leurs adversaires démontrent qu’ils œuvrent bel et bien dans la même direction.
L’histoire est ainsi faite: il arrive que les pires ennemis œuvrent, pour des mobiles différents, dans la même direction. Ainsi en est-il, selon toute apparence, depuis la révolution du 14 janvier 2011, des nostalgiques du régime du président déchu Ben Ali et de certains de leurs adversaires: retarder le train des réformes et la relance économique combien nécessaires pour le pays.
Le constat est, selon nombre d’observateurs, facile à faire. Il trouve son fondement dans une question on ne peut plus simple: A qui profite le crime?
Il va sans dire que les nostalgiques du régime du président déchu se plaisent dans la gabegie, qui s’installe dans des régions et des entreprises du pays, et ne souhaitent pas, de ce fait, que le pays retrouve un quelconque climat de sécurité.
Le retour à la sécurité signifie, tout d’abord, pour eux, politiquement que la révolution du 14 janvier 2011 a réussi à creuser son sillon et qu’elle s’est frayée un chemin. Elle marque également une vigueur et une légitimité. L’insécurité, par contre, est la preuve qu’il y a contestation et une certaine peur de l’avenir. Evidement un message des plus sibyllins se faufile derrière cet état de fait: l’avant 14 janvier 2011 était bien meilleur.
L’insécurité leur assure, ensuite, une certaine impunité. Les dirigeants du pays sont tellement occupés à régler les problèmes qu’ils auront provoqués (manifestations, sit-in, incendies, assassinats, vols, braquages, barrages,…), qu’ils n’ont ni le temps ni les moyens de se pencher sur leurs forfaits. Ou du moins le pensent-ils!
La peau et la tête dures
Des adversaires du régime du président déchu semblent également se plaire dans la gabegie et ne souhaitent pas, par conséquent, que le pays retrouve un climat de sécurité.
Deux raisons guident leurs actions. Premièrement, un certain activisme militant qui s’appuie sur des dogmes révolutionnaires qui ont à la fois et la peau et la tête dures. Ils consistent à dire que la révolution doit être, pour ainsi dire, permanente. Ou encore qu’elle n’aura abouti que le jour où les «ennemis de la révolution auront disparu». Ce qui est bonnet blanc et blanc bonnet.
Tel semble le message distillé, en permanence, par certains hommes politiques qui multiplient les déclarations dans la presse pour soutenir que le peuple n’a pas –encore- fait tomber la dictature.
Et, peut-être, que dans les tréfonds de la pensée de certains d’entre eux dort encore ce crédo des révolutionnaires purs et durs qui dit que «La révolution est la chose la plus autoritaire qui soit, c’est l’acte par lequel les révolutionnaires se doivent d’imposer leurs idéaux par les fusils, les baïonnettes et les canons, moyens autoritaires s’il en est».
Un devoir de vérité
Peut-être aussi que la négation même du principe d’autorité dans l’organisation sociale est –encore- l’un de leurs principes fondateurs: la société est libre lorsqu’elle se libère de toute domination et autorité et que les individus qui la composent intègre une autogestion dans l’organisation de leur quotidien.
«Il est à se demander, soutenait récemment un expert-comptable, si certains ont mûri. Leur discours montre bien qu’ils ne sont pas encore descendus de la «Roche de Socrate», du nom de cette roche sur laquelle se tenaient certains étudiants, dans les années 70 et 80, à la Faculté de droit de Tunis pour haranguer la foule des grandes AG (Assemblées Générales)».
Deuxième raison à guider, sans doute, leurs actions: la crainte que les urnes ne dévoilent leur poids politique réel et leur incapacité à produire un programme qui tienne la route. Le Premier ministre du gouvernement de transition, Béji Caïd Essebsi, n’a-t-il pas affirmé, dans l’une de ses déclarations à la presse, que certains responsables de partis et leurs partisans ne rempliraient pas un bus.
Ce dernier a, cela dit, beau tirer la sonnette d’alarme et interpeller, dans une déclaration faite le 8 juin 2011, les uns et les autres sur les dangers de l’insécurité pour l’économie du pays: notamment dédommagement de quelque 281 entreprises économiques touchées par la crise et embauche de 700 mille chômeurs. Les activistes des deux camps ne l’ont pas entendu de cette oreille: les grèves et sit-in continuent de plus belle.